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tching,nommé Ma ngan chan. Elles sont fort épaisses. Le mandarin m’a donné une assiette de sa façon, qui pèse autant que dix des ordinaires.

Il n’y a rien de particulier dans le travail de ces sortes de porcelaines, sinon qu’on leur donne une huile faite de pierre jaune qu’on mêle avec l’huile ordinaire, en sorte que cette dernière domine : ce mélange donne à la porcelaine la couleur d’un ver de mer. Quand elle a été cuite, on la jette dans un bouillon très gras fait de chapon, et d’autres viandes : elle s’y cuit une seconde fois, après quoi on la met dans un égout le plus bourbeux qui se puisse trouver, où on la laisse un mois et davantage. Au sortir de cet égout elle passe pour être de trois ou quatre cents ans, ou du moins de la dynastie précédente des Ming, sous laquelle les porcelaines de cette couleur et de cette épaisseur étaient estimées à la cour. Ces fausses antiques sont encore semblables aux véritables, en ce que lorsqu’on les frappe, elles ne résonnent point, et que si on les applique auprès de l’oreille il ne s’y fait aucun bourdonnement.


Assiette où se trouve peint un crucifix.

On m’a apporté des débris d’une grosse boutique, une petite assiette, que j’estime beaucoup plus que les plus fines porcelaines, faites depuis mille ans. On voit peint au fond de l’assiette un crucifix entre la sainte Vierge et saint Jean : on m’a dit qu’on portait autrefois au Japon de ces porcelaines, mais qu’on n’en fait plus depuis seize à dix-sept ans. Apparemment que les chrétiens du Japon se servaient de cette industrie durant la persécution, pour avoir des images de nos mystères : ces porcelaines confondues dans des caisses avec les autres, échappaient à la recherche des ennemis de la religion : ce pieux artifice aura été découvert dans la suite, et rendu inutile par des recherches plus exactes ; et c’est ce qui fait sans doute qu’on a discontinué à King te tching ces sortes d’ouvrages.


Parallèle de la porcelaine avec le verre.

On est presque aussi curieux à la Chine des verres et des cristaux qui viennent d’Europe, qu’on l’est en Europe des porcelaines de la Chine : cependant, quelque estime qu’en fassent les Chinois, ils n’en sont pas venus encore jusqu’à traverser les mers, pour chercher du verre en Europe ; ils trouvent que leur porcelaine est plus d’usage : elle souffre les liqueurs chaudes ; on peut tenir une tasse de thé bouillant sans se brûler, si on la sait prendre à la chinoise, ce qu’on ne peut pas faire, même avec une tasse d’argent de la même épaisseur, et de la même figure : la porcelaine a son éclat ainsi que le verre, et si elle est moins transparente, elle est aussi moins fragile. Ce qui arrive au verre qui est fait tout récemment, arrive pareillement à la porcelaine ; rien ne marque mieux une constitution de parties à peu près semblables : la bonne porcelaine a un son clair comme le verre : si le verre se taille avec le diamant, on se sert aussi du diamant pour réunir ensemble, et coudre en quelque sorte des pièces de porcelaine cassée : c’est même un métier à la Chine ; on y voit des ouvriers uniquement occupés à remettre dans leurs places des pièces brisées : ils se servent du diamant, comme d’une aiguille, pour faire de petits trous au corps de la porcelaine, où ils entrelacent un fil de laiton très délié, et par là ils mettent la porcelaine