Page:Du halde description de la chine volume 2.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moderne : mais il n’en est pas de la porcelaine comme des médailles antiques, qui donnent la science des temps reculés. La vieille porcelaine peut être ornée de quelques caractères chinois, mais qui ne marquent aucun point d’histoire : ainsi les curieux n’y peuvent trouver qu’un goût et des couleurs, qui la leur font préférer à celle de nos jours.

Je crois avoir ouï dire, lorsque j’étais en Europe, que la porcelaine, pour avoir sa perfection, devait avoir été longtemps ensevelie en terre : c’est une fausse opinion dont les Chinois se moquent. L’histoire de King te tching parlant de la plus belle porcelaine des premiers temps, dit qu’elle était si recherchée, qu’à peine le fourneau était-il ouvert, que les marchands se disputaient à qui serait le premier partagé. Ce n’est pas là supposer qu’elle dût être enterrée.

Il est vrai qu’en creusant dans les ruines des vieux bâtiments, et surtout en nettoyant de vieux puits abandonnés, on y trouve quelquefois de belles pièces de porcelaine, qui ont été cachées dans des temps de révolution : cette porcelaine est belle, parce qu’alors on ne s’avisait guère d’enfouir que celle qui était précieuse, afin de la retrouver après la fin des troubles. Si elle est estimée, ce n’est pas parce qu’elle a acquis dans le sein de la terre de nouveaux degrés de beauté ; mais c’est parce que son ancienne beauté s’est conservée, et cela seul a son prix à la Chine, où l’on donne de grosses sommes pour les moindres ustensiles de simple poterie, dont se servaient les empereurs Yao et Chun, qui ont régné plusieurs siècles avant la dynastie des Tang, auquel temps la porcelaine commença d’être à l’usage des empereurs.

Tout ce que la porcelaine acquiert en vieillissant dans la terre, c’est quelque changement qui se fait dans son coloris, ou si l’on veut dans son teint, qui fait voir qu’elle est vieille. La même chose arrive au marbre et à l’ivoire, mais plus promptement, parce que le vernis empêche l’humidité de s’insinuer si aisément dans la porcelaine. Ce que je puis dire, c’est que j’ai trouvé dans de vieilles masures des pièces de porcelaines, qui étaient probablement fort anciennes, et je n’y ai rien remarqué de particulier : s’il est vrai qu’en vieillissant elles se soient perfectionnées, il faut qu’au sortir des mains de l’ouvrier, elles n’égalassent pas la porcelaine qui se fait maintenant. Mais, ce que je crois, c’est qu’alors, comme à présent, il y avait de la porcelaine de tout prix.

Selon les annales de King te tching, il y a eu autrefois des urnes dont chaque pièce se vendait jusqu’à 58 et 59 taels c’est-à-dire, plus de 80 écus. Combien se seraient-elles vendues en Europe ! Aussi, dit le livre, y avait-il un fourneau fait exprès pour chaque urne de cette valeur, et la dépense n’y était pas épargnée.

Le mandarin de King te tching qui m’honore de son amitié, fait à ses protecteurs de la cour des présents de vieille porcelaine qu’il a le talent de faire lui-même, je veux dire qu’il a trouvé l’art d’imiter l’ancienne porcelaine, ou du moins celle de la basse antiquité : il emploie à cet effet quantité d’ouvriers. La matière de ces faux Kou tong, c’est-à-dire de ces antiques contrefaites, est une terre jaunâtre qui se tire d’un endroit assez près de King te