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l’endroit de la réunion. On me dit en me les montrant, que de quatre vingt urnes qu’on avait faites, on n’avait pu réussir qu’à huit seulement, et que toutes les autres avaient été perdues. Ces ouvrages étaient commandés par des marchands de Canton, qui commercent avec les Européens : car à la Chine on n’est point curieux de porcelaines qui soient d’un si grand prix.

Pour revenir aux ouvrages des Chinois un peu rares, ils réussissent principalement dans les grotesques et dans la représentation des animaux : les ouvriers font des canards et des tortues qui flottent sur l’eau. J’ai vu un chat peint au naturel ; on avait mis dans sa tête une petite lampe, dont la flamme formait les deux yeux, et l’on m’assura que pendant la nuit les rats en étaient épouvantés.

On fait encore ici beaucoup de statues de Kouan in (c’est une déesse célèbre dans toute la Chine). On la représente tenant un enfant entre ses bras, et elle est invoquée par les femmes stériles, qui veulent avoir des enfants. Elle peut être comparée aux statues antiques que nous avons de Venus, et de Diane, avec cette différence que les statues de Kouan in sont très modestes.

Il y a une autre espèce de porcelaine, dont l’exécution est très difficile, et qui par là devient fort rare. Le corps de cette porcelaine est extrêmement délié, et la surface en est très unie au dedans, et au dehors : cependant on y voit des moulures gravées, un tour de fleurs, par exemple, et d’autres ornements semblables. Voici de quelle manière on la travaille : au sortir de dessus la roue on l’applique sur un moule, où sont des gravures qui s’y impriment en dedans : en dehors on la rend la plus fine, et la plus déliée qu’il est possible, en la travaillant au tour avec le ciseau ; après quoi on lui donne l’huile, et on la cuit dans le fourneau ordinaire.

Les marchands européens demandent quelquefois aux ouvriers chinois des plaques de porcelaine, dont une pièce fasse le dessus d’une table et d’une chaise, ou des cadres de tableaux : ces ouvrages sont impossibles : les plaques les plus larges et les plus longues sont d’un pied ou environ : si on va au-delà, quelque épaisseur qu’on leur donne, elles se déjettent : l’épaisseur même ne rendrait pas plus facile l’exécution de ces sortes d’ouvrages, et c’est pourquoi au lieu de rendre ces plaques épaisses, on les fait de deux superficies qu’on unit en laissant le dedans vide : on y met seulement une traverse, et l’on fait aux deux côtés deux ouvertures pour les enchâsser dans des ouvrages de menuiserie, ou dans le dossier d’une chaise, ce qui a son agrément.

L’histoire de King te tching parle de divers ouvrages ordonnés par des empereurs, qu’on s’efforça vainement d’exécuter. Le père de l’empereur régnant, commanda des urnes à peu près de la figure des caisses où nous mettons des orangers : c’était apparemment pour y nourrir de petits poissons rouges, dorés, et argentés ; ce qui fait un ornement des maisons : peut-être aussi voulait-il s’en servir pour y prendre les bains ; car elles devaient avoir