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ils sont hauts de deux brasses, et ont près de quatre brasses de profondeur. La voûte aussi bien que le corps du fourneau est assez épaisse, pour pouvoir marcher dessus, sans être incommodé du feu : cette voûte n’est en dedans ni plate, ni formée en pointe : elle va en s’allongeant, et elle se rétrécit, à mesure qu’elle approche du grand soupirail qui est à l’extrémité, et par où sortent les tourbillons de flamme et de fumée.

Outre cette gorge, le fourneau a sur sa tête cinq petites ouvertures, qui en sont comme les yeux, et on les couvre de quelques pots cassés ; de telle sorte pourtant qu’ils soulagent l’air et le feu du fourneau, C’est par ces yeux qu’on juge si la porcelaine est cuite : on découvre l’œil qui est un peu devant le grand soupirail, et avec une pincette de fer l’on ouvre une des caisses.

Quand la porcelaine est en état, on discontinue le feu, et l’on achève de murer pour quelque temps la porte du fourneau. Ce fourneau a dans toute sa largeur un foyer profond et large d’un ou de deux pieds ; on le passe sur une planche pour entrer dans la capacité du fourneau, et y ranger la porcelaine. Quand on a allumé le feu du foyer, on mure aussitôt la porte, n’y laissant que l’ouverture nécessaire, pour y jeter des quartiers de gros bois longs d’un pied, mais assez étroits. On chauffe d’abord le fourneau pendant un jour et une nuit, ensuite deux hommes qui se relèvent, ne cessent d’y jeter du bois : on en brûle communément pour une fournée jusqu’à cent quatre-vingt charges.

A en juger par ce qu’en dit le livre chinois, cette quantité ne devrait pas être suffisante : il assure qu’anciennement on brûlait deux cents quarante charges de bois, et vingt de plus, si le temps était pluvieux, bien qu’alors les fourneaux fussent moins grands de la moitié que ceux-ci. On y entretenait d’abord un petit feu pendant sept jours et sept nuits ; le huitième jour on faisait un feu très ardent ; et il est à remarquer que les caisses de la petite porcelaine étaient déjà cuites à part, avant que d’entrer dans le fourneau. Aussi faut-il avouer que l’ancienne porcelaine avait bien plus de corps que la moderne.

On observait encore une chose qui se néglige aujourd’hui : quand il n’y avait plus de feu dans le fourneau, on ne démurait la porte qu’après dix jours pour les grandes porcelaines, et après cinq jours pour les petites : maintenant on diffère à la vérité de quelques jours à ouvrir le fourneau, et à en retirer les grandes pièces de porcelaine ; car sans cette précaution elles éclateraient ; mais pour ce qui est des petites, si le feu a été éteint à l’entrée de la nuit, on le retire dès le lendemain. Le dessein apparemment est d’épargner le bois pour une seconde fournée. Comme la porcelaine est brûlante, l’ouvrier qui la retire, s’aide, pour la prendre, de longues écharpes pendues à son col.

On juge que la porcelaine qu’on a fait cuire dans un petit fourneau, est en état d’être retirée, lorsque regardant par l’ouverture d’en haut, on voit jusqu’au fond toutes les porcelaines rougies par le feu qui les embrase ; qu’on distingue les unes des autres les porcelaines placées en pile ; que la porcelaine