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qui ne peuvent pas aisément s’emboîter les unes dans les autres, les ouvriers les rangent de la manière suivante.

Sur un lit de ces porcelaines qui garnit le fond du fourneau, on met une couverture ou de plaques faites de la terre dont on construit les fourneaux, ou même des pièces des caisses de porcelaines : car à la Chine tout se met à profit. Sur cette couverture on dispose un autre lit de ces porcelaines, et on continue de les placer de la sorte jusqu’au haut du fourneau.

Quand tout cela est fait, on couvre le haut du fourneau des pièces de poterie semblables à celles du côté du fourneau : ces pièces qui enjambent les unes dans les autres, s’unissent étroitement avec du mortier ou de la terre détrempée. On laisse seulement au milieu une ouverture, pour observer quand la porcelaine est cuite. On allume ensuite quantité de charbon sous le fourneau, et on en allume pareillement sur la couverture, d’où l’on en jette des monceaux dans l’espace qui est entre l’enceinte de brique et le fourneau. L’ouverture qui est au-dessus du fourneau, se couvre d’une pièce de pot cassé. Quand le feu est ardent, on regarde de temps en temps par cette ouverture, et lorsque la porcelaine paraît éclatante et peinte de couleurs vives et animées, on retire le brasier, et ensuite la porcelaine.

Il me vient une pensée au sujet de ces couleurs, qui s’incorporent dans une porcelaine déjà cuite et vernissée, par le moyen de la céruse, à laquelle selon les annales de Feou leang, on joignait autrefois du salpêtre et de la couperose : si l’on employait pareillement de la céruse dans les couleurs dont on peint des panneaux de verre, et qu’ensuite on leur donnât une espèce de seconde cuisson, cette céruse ainsi employée, ne pourrait-elle pas nous rendre le secret qu’on avait autrefois de peindre le verre, sans lui rien ôter de sa transparence ? C’est de quoi on pourra juger par l’épreuve.

Ce secret que nous avons perdu, me fait souvenir d’un autre secret que les Chinois se plaignent de n’avoir plus : ils avaient l’art de peindre sur les côtés d’une porcelaine, des poissons ou d’autres animaux, qu’on n’apercevait que lorsque la porcelaine était remplie de quelque liqueur. Ils appellent cette espèce de porcelaine Kia tsing, c’est-à-dire, azur mis en presse, à cause de la manière dont l’azur est placé. Voici ce qu’on a retenu de ce secret, peut-être imaginera-t-on en Europe ce qui est ignoré des Chinois.

La porcelaine qu’on veut peindre ainsi, doit être fort mince : quand elle est sèche, on applique la couleur, un peu forte, non en dehors selon la coutume, mais en dedans sur les côtés : on y peint communément des poissons, comme s’ils étaient plus propres à se produire, lorsqu’on remplit la tasse d’eau. La couleur une fois séchée, on donne une légère couche d’une espèce de colle fort déliée, faite de la terre même de la porcelaine. Cette couche serre l’azur entre ces deux espèces de lames de terre. Quand la couche est sèche, on jette de l’huile en dedans de la porcelaine : quelque temps après, on la met sur le moule et autour. Comme elle a reçu du corps par le dedans, on la rend par dehors la plus mince qui se peut, sans percer jusqu’à la couleur : ensuite on plonge dans l’huile le dehors de la porcelaine. Lorsque tout est sec, on la cuit dans le fourneau ordinaire.