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Toutes ces couleurs appliquées sur la porcelaine déjà cuite après avoir été huilée, ne paraissent vertes, violettes, jaunes, ou rouges, qu’après la seconde cuisson qu’on leur donne. Ces diverses couleurs s’appliquent, dit le livre chinois, avec la céruse, le salpêtre, et la couperose. Les chrétiens qui sont du métier, ne m’ont parlé que de la céruse, qui se mêle avec la couleur, quand on la dissout dans l’eau gommée.

Le rouge à l’huile appelé yeou li hong, se fait de la grenaille de cuivre rouge, et de la poudre d’une certaine pierre ou caillou, qui tire un peu sur le rouge. Un médecin chrétien m’a dit que cette pierre était une espèce d’alun qu’on emploie dans la médecine. On broie le tout dans un mortier, en y mêlant de l’urine d’un jeune homme, et de l’huile pe yeou ; mais je n’ai pu découvrir la quantité de ces ingrédients ; ceux qui ont le secret, sont attentifs à ne le pas divulguer.

On applique cette mixtion sur la porcelaine, lorsqu’elle n’est pas encore cuite, et on ne lui donne point d’autre vernis. Il faut seulement prendre garde que durant la cuite, la couleur rouge ne coule point au bas du vase. On m’a assuré que quand on veut donner ce rouge à la porcelaine, on ne se sert point de pe tun tse pour la former, mais qu’en sa place on emploie avec le kao lin de la terre jaune, préparée de la même manière que le pe tun tse. Il est vraisemblable qu’une pareille terre est plus propre à recevoir cette sorte de couleur.

Peut être sera-t-on bien aise d’apprendre comment cette grenaille de cuivre se prépare. On sait, et je l’ai dit ailleurs[1], qu’à la Chine il n’y a point d’argent monnayé : on se sert d’argent en masse dans le commerce, et il s’y trouve beaucoup de pièces de bas aloi. Il y a cependant des occasions, où il faut les réduire en argent fin, comme, par exemple, quand il s’agit de payer la taille, ou de semblables contributions. Alors on a recours à des ouvriers, dont l’unique métier est d’affiner l’argent dans des fourneaux faits à ce dessein, et d’en séparer le cuivre et le plomb. Ils forment la grenaille de ce cuivre, qui vraisemblablement conserve quelques parcelles imperceptibles d’argent ou de plomb.

Avant que le cuivre liquéfié se durcisse et se congèle, on prend un petit balai, qu’on trempe légèrement dans l’eau, puis en frappant sur le manche du balai, on asperge d’eau le cuivre fondu : une pellicule se forme sur la superficie, qu’on lève avec de petites pincettes de fer, et on la plonge dans de l’eau froide, où se forme la grenaille, qui se multiplie autant qu’on réitère l’opération. Je crois que si l’on employait de l’eau forte, pour dissoudre le cuivre, cette poudre de cuivre en serait plus propre, pour faire le rouge dont je parle. Mais les Chinois n’ont point le secret des eaux fortes et régales : leurs inventions sont toutes d’une extrême simplicité.

L’autre espèce de rouge soufflé, se fait de la manière suivante. On a du rouge tout préparé, on prend un tuyau, dont une des ouvertures est couverte d’une gaze fort serrée : on applique doucement le bas du tuyau sur la couleur dont la gaze se charge ; après quoi on souffle dans le tuyau contre

  1. Ci-devant page 197.