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se vendent extrêmement cher. Tous ces ouvrages doivent être mis à couvert du froid : leur humidité les fait éclater, quand ils ne sèchent pas également. C’est pour parer à cet inconvénient, qu’on fait quelquefois du feu dans ces laboratoires.

Ces moules se font d’une terre jaune, grasse, et qui est comme en grumeaux : je la crois assez commune, on la tire d’un endroit qui n’est pas éloigné de King te tching. Cette terre se pétrit, et quand elle est bien liée et un peu durcie, on en prend la quantité nécessaire pour faire un moule, et on la bat fortement. Quand on lui a donné la figure qu’on souhaite on la laisse sécher : après quoi on la façonne sur le tour. Ce travail se paye chèrement. Pour expédier un ouvrage de commande, on fait un grand nombre de moules, afin que plusieurs troupes d’ouvriers travaillent à la fois.

Quand on a soin de ces moules, ils durent très longtemps. Un marchand qui en a de tout prêts, pour les ouvrages de porcelaine qu’un Européen demande, peut donner sa marchandise bien plutôt, et à meilleur marché, et faire un gain plus considérable que ne ferait un autre marchand, qui aurait à faire ces moules. S’il arrive que ces moules s’écorchent, ou qu’il s’y fasse la moindre brèche, ils ne sont plus en état de servir, si ce n’est pour des porcelaines de la même figure, mais d’un plus petit volume. On les met alors sur le tour, et on les rabote, afin qu’ils puissent servir une seconde fois.


Des peintres sur la porcelaine.

Il est temps d’ennoblir la porcelaine, en la faisant passer entre les mains des peintres. Ces hoa pei ou peintres de porcelaine, ne sont guère moins gueux, que les autres ouvriers : il n’y a pas de quoi s’en étonner, puisqu’à la réserve de quelques-uns d’eux, ils ne pourraient passer en Europe que pour des apprentis de quelques mois. Toute la science de ces peintres chinois n’est fondée sur aucun principe, et ne consiste que dans une certaine routine, aidé d’un tour d’imagination assez bornée. Ils ignorent toutes les belles règles de cet art. Il faut avouer pourtant qu’ils ont le talent de peindre sur la porcelaine, aussi bien que sur les éventails, et sur les lanternes d’une gaze très fine, des fleurs, des animaux, et des paysages qui se font justement admirer.

Le travail de la peinture est partagé dans un même laboratoire, entre un grand nombre d’ouvriers. L’un a soin uniquement de former le premier cercle coloré, qu’on voit près des bords de la porcelaine ; l’autre trace des fleurs que peint un troisième : celui-ci est pour les eaux et les montagnes, celui-là pour les oiseaux et pour les autres animaux. Les figures humaines sont d’ordinaire les plus maltraitées ; certains paysages et certains plans de ville enluminés, qu’on apporte d’Europe à la Chine, ne nous permettent pas de railler les Chinois, sur la manière dont ils se représentent dans leurs peintures.

Pour ce qui est des couleurs de la porcelaine il y en a de toutes les sortes. On n’en voit guère en Europe que de celle qui est d’un bleu vif, sur un fond blanc. Je crois pourtant que nos marchands y en ont apporté d’autres. Il s’en trouve dont le fond est semblable à celui de nos miroirs