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plus grande ou plus petite selon les degrés des mandarins, et le rang qu’ils tiennent dans les tribunaux. Depuis l’établissement des Tartares à la Chine, les sceaux sont de caractères chinois et tartares, de même que les tribunaux sont composés d’officiers et de magistrats de ces deux nations.

Quand l’empereur envoie dans les provinces des visiteurs pour examiner la conduite des gouverneurs, des magistrats, et des particuliers, il leur donne à chacun des sceaux pour les fonctions de leur charge.


Mandarin qui perd ses sceaux.

Un de ces visiteurs après avoir exercé pendant quelque temps son emploi dans la province qui lui avait été assignée, disparut tout d’un coup, et quand on s’adressait à ses domestiques, ils répondaient qu’une maladie dangereuse ne permettait pas à leur maître de recevoir les plaintes ni les requêtes de ceux qui venaient lui demander justice. Un mandarin de ses amis se douta que c’était là une maladie feinte, et craignant qu’une pareille négligence ne lui nuisît à la cour, il va le trouver. Après avoir été plusieurs fois rebuté par les domestiques, il trouve enfin le secret de pénétrer dans le cabinet de son ami, et lui demande par quelle raison il se tenait ainsi caché. Le visiteur ne manqua pas de prétexter sa maladie.


Stratagème pour les recouvrer.

Mais le mandarin peu crédule le pressa si fort, en lui protestant qu’il le servirait au péril même de sa vie, s’il était nécessaire, que le magistrat se détermina à lui faire confidence de sa peine. « On m’a volé, dit-il, les sceaux que j’avais reçu de l’empereur et ne pouvant plus sceller les expéditions, j’ai pris le parti de me rendre invisible. » Le mandarin qui voyait les tristes suites d’une affaire, où il ne s’agissait de rien moins que de perdre sa charge, sa fortune et celle de sa famille lui demanda s’il n’avait point d’ennemis. « Hélas, répondit le visiteur en soupirant, c’est ce qui m’accable et me désespère. Le premier magistrat de la ville s’est déclaré contre moi dans toutes les occasions où il a fallu exercer les fonctions de ma charge ; il me déférera infailliblement à la cour, aussitôt qu’il saura que je n’ai plus les sceaux, et je suis un homme perdu. » « Suivez mon conseil, reprit le mandarin, qui était un homme d’esprit, faites transporter dans l’appartement le plus reculé de votre palais tout ce que vous avez de plus précieux, et sur le commencement de la nuit, mettez vous-même le feu à cet appartement et faites donner l’alarme à tout le quartier. Cet officier ne manquera pas, selon le devoir de sa charge, de venir donner ses ordres. Alors en présence de tout le monde, portez-lui le petit coffret où étaient les sceaux et dites-lui que n’ayant rien de plus précieux que ce dépôt de l’empereur, vous le mettez entre ses mains, pour le retirer quand vous en aurez besoin. Si c’est lui, Seigneur, ajouta-t-il, qui vous ait fait enlever vos sceaux pour vous rendre un mauvais office, il les remettra dans le coffre pour vous les rendre, ou vous pourrez l’accuser de les avoir perdus. » L’affaire réussit comme le mandarin l’avait prévu, et les sceaux furent rendus au visiteur.