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faire un juste mélange : on met autant de kao lin que de pe tun tse pour les porcelaines fines : pour les moyennes, on emploie quatre parts de kao lin, sur six de pe tun tse. Le moins qu’on en mette, c’est une part de kao lin sur trois de pe tun tse.

Après ce premier travail on jette cette masse dans un grand creux bien pavé et cimenté de toutes parts : puis on la foule, et on la pétrit jusqu’à ce qu’elle se durcisse ; ce travail est fort rude : ceux des chrétiens qui y sont employés, ont de la peine à se rendre à l’église : ils ne peuvent en obtenir la permission, qu’en substituant quelques autres à leur place, parce que dès que ce travail manque, tous les autres ouvriers sont arrêtés.

De cette masse ainsi préparée on tire différents morceaux, qu’on étend sur de larges ardoises. Là on les pétrit, et on les roule en tous les sens, observant soigneusement qu’il ne s’y trouve aucun vide, ou qu’il ne s’y mêle aucun corps étranger. Un cheveu, un grain de sable perdrait tout l’ouvrage. Faute de bien façonner cette masse, la porcelaine se fêle, éclate, coule, et se déjette. C’est de ces premiers éléments que sortent tant de beaux ouvrages de porcelaine, dont les uns se font à la roue, les autres se font uniquement sur des moules, et se perfectionnent ensuite avec le ciseau.

Tous les ouvrages unis se font de la première façon. Une tasse, par exemple, quand elle sort de dessous la roue, n’est qu’une espèce de calotte imparfaite, à peu près comme le dessus d’un chapeau, qui n’a pas encore été appliqué sur la forme. L’ouvrier lui donne d’abord le diamètre et la hauteur qu’on souhaite, et elle sort de ses mains presque aussitôt qu’il l’a commencée ; car il n’a que trois deniers de gain par planches et chaque planche est garnie de 26 pièces. Le pied de la tasse n’est alors qu’un morceau de terre de la grosseur du diamètre qu’il doit avoir, et qui se creuse avec le ciseau, lorsque la tasse est sèche, et qu’elle a de la consistance, c’est-à-dire, après qu’elle a reçu tous les ornements qu’on veut lui donner.

Effectivement cette tasse au sortir de la roue, est d’abord reçue par un second ouvrier, qui l’assoit sur la base. Peu après elle est livrée à un troisième qui l’applique sur son moule, et lui imprime la figure. Ce moule est sur une espèce de tour. Un quatrième ouvrier polit cette tasse avec le ciseau, surtout vers les bords, et la rend déliée, autant qu’il est nécessaire, pour lui donner de la transparence : il la racle à plusieurs reprises, la mouillant chaque fois tant soit peu, si elle est trop sèche, de peur qu’elle ne se brise. Quand on retire la tasse de dessus le moule, il faut la rouler doucement sur ce même moule, sans la presser plus d’un côté que de l’autre, sans quoi il s’y fait des cavités, ou bien elle se déjette.

Il est surprenant de voir avec quelle vitesse ces vases passent par tant de différentes mains. On dit qu’une pièce de porcelaine cuite, a passée par les mains de soixante-dix ouvriers. Je n’ai pas de peine à le croire, après ce que j’en ai vu moi-même. Car ces grands laboratoires ont été souvent pour moi comme une espèce d’aréopage, où j’ai annoncé celui qui a formé