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d’un sage gouvernement. S’il n’y avait aucun égard, ou s’il faisait ressentir les effets de son indignation au mandarin qui a eu le zèle et le courage de l’avertir, il se décrierait absolument dans l’esprit de ses peuples, et la fermeté héroïque du mandarin qui se serait ainsi sacrifié au bien public, deviendrait le sujet des plus grands éloges, et immortaliserait à jamais sa mémoire. On a vu à la Chine plus d’un exemple de ces martyrs du bien public, que ni les supplices, ni la mort n’ont pu retenir dans le silence, lorsque le prince s’écartait des règles d’une sage administration.

D’ailleurs la tranquillité de l’empire, dépend entièrement de l’application du prince à faire observer les lois. Tel est le génie des Chinois, que si lui et son Conseil étaient peu fermes, et moins attentifs à la conduite de ceux qui ont autorité sur les peuples, les vicerois, et les mandarins éloignés gouverneraient les sujets selon leur caprice, ils deviendraient autant de petits tyrans dans les provinces, et l’équité serait bientôt bannie des tribunaux. Alors le peuple, qui est infini à la Chine, se voyant foulé et opprimé, s’attrouperait, et de semblables attroupements seraient bientôt suivis d’une révolte générale dans la province. Le soulèvement d’une province se communiquerait en peu de temps aux provinces voisines, l’empire serait tout à coup en feu, car c’est le caractère de cette nation, que les premières semences de rébellion, si l’autorité ne les étouffe d’abord, produisent en peu de temps les plus dangereuses révolutions. La Chine en fournit divers exemples, qui ont appris aux empereurs, que leur autorité n’est hors de toute atteinte, qu’autant qu’ils y veillent infatigablement, et qu’ils marchent sur les traces des grands princes qui les ont précédés.


Des sceaux de l'empire.

Entre les marques de l’autorité impériale, l’une des plus considérables est celle des sceaux qu’on emploie à autoriser les actes publics, et toutes les décisions des tribunaux de l’empire. Le sceau de l’empereur est carré et d’environ huit doigts. Il est d’un jaspe fin, qui est une pierre précieuse fort estimée à la Chine : il n’y a que lui qui puisse en avoir de cette matière. Cette pierre dont on fait le sceau de l’empereur, et qui s’appelle yu che, se tire de la montagne Yn yu chan, c’est-à-dire montagne du sceau d’agate.

Les Chinois content diverses fables de cette montagne : ils disent entre autres choses, qu’autrefois le fong hoang ayant paru sur cette montagne, se reposa sur une pierre brute, et qu’un habile lapidaire l’ayant cassée, y trouva cette pierre fameuse, dont on fit le sceau de l’empire. Cet oiseau appelé fong hoang est le phénix de la Chine ; c’est selon eux un oiseau de prospérité et le précurseur du siècle d’or, mais il n’exista jamais que dans leurs livres, et dans les peintures chimériques qu’ils en font.

Les sceaux qu’on donne par honneur aux princes, sont d’or ; ceux des vicerois, des grands mandarins ou magistrats du premier ordre, sont d’argent : ils ne peuvent être que de cuivre ou de plomb pour les mandarins ou magistrats et des ordres inférieurs. Quand ils l’usent à force de s’en servir, ils doivent en avertir le tribunal, qui leur en envoie un autre, avec obligation de rendre l’ancien. La forme en est