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Mais avant que de commencer, il est à propos de détromper ceux qui croiraient peut-être que le nom de porcelaine vient du mot chinois. A la vérité il y a des mots, quoi qu’en petit nombre, qui sont français et chinois tout ensemble. Ce que nous appelons thé, par exemple, a pareillement le nom de thé dans la province de Fo kien, quoi qu’il s’appelle tcha dans la langue mandarine ; papa et mama sont aussi des noms, qui en certaines provinces, et à King te tching en particulier, sont dans la bouche des enfants, pour signifier père, mère, et grand mère ; mais pour ce qui est du nom de porcelaine, c’est si peu un mot chinois, qu’aucune des syllabes qui le composent, ne peut ni être prononcée, ni être écrite par des Chinois, ces sons ne se trouvant point dans leur langue. Il y a apparence que c’est des Portugais qu’on a pris ce nom, quoique parmi eux porcellana signifie proprement une tasse, ou une écuelle, et que loça soit le nom qu’ils donnent généralement à tous les ouvrages que nous nommons porcelaine. Les Chinois l’appellent communément tse ki.


De la matière de la porcelaine.

La matière de la porcelaine se compose de deux sortes de terre, l’une appelée pe tun tse et l’autre qu’on nomme kao lin. Celle-ci est parsemée de corpuscules, qui ont quelque éclat ; l’autre est simplement blanche et très fine au toucher. En même temps qu’un grand nombre de grosses barques remontent la rivière de Iao tcheou à King te ching, pour se charger de porcelaines, il en descend de Ki muen presque autant de petites, qui sont chargées de pe tun tse, et de kao lin réduits en forme de briques : car King te tching ne produit aucun des matériaux propres à la porcelaine.

Les pe tun tse dont le grain est si fin, ne sont autre chose que des quartiers de rochers, qu’on tire des carrières, et auxquels on donne cette forme. Toute sorte de pierre n’est pas propre à former le pe tun tse ; autrement il serait inutile d’en aller chercher à vingt ou trente lieues dans la province voisine. La bonne pierre, disent les Chinois, doit tirer un peu sur le vert.

Voici quelle est la première préparation : on se sert d’une massue de fer pour briser ces quartiers de pierre ; après quoi on met les morceaux brisés dans des mortiers, et par le moyen de certains leviers, qui ont une tête de pierre armée de fer, on achève de les réduire en une poudre très fine. Ces leviers jouent sans cesse ou par le travail des hommes, ou par le moyen de l’eau, de la même manière que font les martinets dans les moulins à papier.

On jette ensuite cette poussière dans une grande urne remplie d’eau, et on la remue fortement avec une pelle de fer. Quand on la laisse reposer quelques moments, il surnage une espèce de crème épaisse de quatre à cinq doigts : on la lève, et on la verse dans un autre vase plein d’eau. On agite ainsi plusieurs fois l’eau de la première urne, recueillant à chaque fois le nuage qui s’est formé, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le gros marc que son poids précipite d’abord. On le tire, et on le pile de nouveau.

Au regard de la seconde urne où a été jeté ce que l’on a recueilli de la première, on attend qu’il se soit formé au fond une espèce de pâte : lorsque