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Le marchand a soin de tenir prêt chez lui un grand vase de terre, sur lequel est un châssis de bois soutenu par quatre pieds, à peu près comme une table carrée, dont le milieu serait vide. Sur le châssis est une toile claire, arrêtée par les quatre coins avec des anneaux. On tient cette toile un peu lâche, et on y verse le vernis. Le plus liquide s’étant écoulé de lui-même, on tord la toile pour faire couler le reste. Le peu qui demeure dans la toile se met à part ; on le vend aux droguistes, parce qu’il est de quelque usage dans la médecine. On est content de la récolte, lorsque dans une nuit mille arbres donnent vingt livres de vernis.

La récolte étant faite, le marchand met son vernis dans des seaux de bois bien calfatés au dehors, et dont le couvercle est attaché avec de bons clous. La livre de vernis tous frais faits, revient à environ quarante sols. Le marchand en tire le double et davantage, selon que les endroits où il le transporte sont plus éloignés.

Il en coûte cher aux ouvriers qui recueillent le vernis quand ils ne prennent pas les précautions dont je viens de parler. Le mal commence par des espèces de dartres, qui leur couvrent en un jour et le visage et le reste du corps car elles s’étendent en peu d’heures, et deviennent très rouges : bientôt le visage du malade se bouffit, et son corps qui s’enfle extraordinairement, paraît tout couvert de lèpre.

Pour guérir un homme attaqué de ce mal, on lui fait boire d’abord quelques écuellées de l’eau droguée, dont j’ai dit que les ouvriers se lavent pour prévenir ces accidents. Cette eau le purge violemment : on lui fait ensuite recevoir une forte fumigation de la même eau, en le tenant bien enveloppé de couvertures ; moyennant quoi, l’enflure et la bouffissure disparaissent : mais la peau n’est pas sitôt saine. Elle se déchire en divers endroits, et rend beaucoup d’eau. Pour y remédier, on prend de cette herbe que j’ai nommée espèce de blette, on la sèche, et on la brûle ; puis on applique la cendre sur les parties du corps les plus maltraitées : cette cendre s’imbibe de l’humeur âcre qui sort de ces parties déchirées, la peau se sèche, tombe, et se renouvelle.


Propriétés du vernis.

Le vernis de la Chine, outre l’éclat qu’il donne aux moindres ouvrages auxquels on l’applique, a encore la propriété de conserver le bois, et d’empêcher que l’humidité n’y pénètre. On peut y répandre tout ce qu’on veut de liquide ; en passant un linge mouillé sur l’endroit, il n’y reste aucun vestige, pas même l’odeur de ce qui a été répandu. Mais il y a de l’art à l’appliquer, et quelque bon qu’il soit de sa nature, on a encore besoin d’une main habile et industrieuse pour le mettre en œuvre. Il faut surtout de l’adresse et de la patience dans l’ouvrier, pour trouver ce juste tempérament que demande le vernis, afin qu’il ne soit ni trop liquide, ni trop épais, sans quoi il ne réussirait que médiocrement dans ce travail.

Le vernis s’applique en deux manières, l’une qui est plus simple se fait immédiatement sur le bois. Après l’avoir bien poli, on passe deux ou trois fois de cette espèce d’huile que les Chinois appellent tong yeou ; quand elle est bien sèche, on applique deux ou trois couches de vernis. Il est si transparent,