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Ce ne sont point d’ordinaire les propriétaires de ces arbres, qui en font tirer le vernis : ce sont des marchands, qui dans la saison traitent avec ces propriétaires, moyennant cinq sols par pied. Ces marchands louent des ouvriers, auxquels ils donnent par mois une once d’argent, tant pour leur travail, que pour leur nourriture ; ou s’ils se déchargent de les nourrir, ce qui est rare, ils leur donnent trois sols par jour. Un de ces ouvriers suffit pour cinquante pieds d’arbre.

Il y a des précautions à prendre, pour garantir les ouvriers des impressions malignes du vernis : ainsi, soit que le marchand les nourrisse ou non, il est obligé d’avoir chez lui un grand vase d’huile de rabette, où l’on a fait bien bouillir certaine quantité de ces filaments charnus, qui se trouvent entremêlés dans la graisse des cochons et qui ne se fondent point quand on fait fondre le sain doux. La proportion est d’une once sur une livre d’huile.

Quand les ouvriers vont placer les coquilles aux arbres, ils portent avec eux un peu de cette huile, dont ils se frottent le visage et les mains. Le matin lorsqu’après avoir recueilli le vernis ils reviennent chez le marchand, ils se frottent encore plus exactement de cette huile.

Après le repas, ils se lavent tout le corps avec de l’eau chaude que le marchand doit tenir prête, dans laquelle on a fait bouillir certaine quantité des drogues suivantes savoir, de l’écorce extérieure et hérissée des châtaignes, de l’écorce de bois de sapin, du salpêtre cristallisé, et d’une herbe qu’on mange à la Chine et aux Indes, qui est une espèce de blette, laquelle a du rapport au tricolor ; toutes ces drogues passent pour être froides.

Chaque ouvrier emplit de cette eau un petit bassin, et s’en lave en particulier. Mais au lieu que les bassins ordinaires où les Chinois mettent de l’eau, pour se laver le visage tous les matins, sont assez communément de cuivre, les ouvriers qui travaillent au vernis, rejettent ce métal, et ne se servent que de vases d’étain.

Dans les temps qu’ils travaillent auprès des arbres, ils s’enveloppent la tête d’un sac de toile qu’ils lient autour du col, où il n’y a que deux trous vis-à-vis les yeux. Ils se couvrent le devant du corps d’une espèce de tablier fait de peau de daim passée, qu’ils suspendent au col par des cordons, et qu’ils arrêtent par une ceinture. Ils ont aussi des bottines de la même matière, et aux bras des gants de peau fort longs.

Quand il s’agit de recueillir le vernis, ils ont un vase fait de peau de bœuf attaché à leur ceinture : d’une main ils dégagent les coquilles, et de l’autre ils les raclent avec un petit instrument de fer, jusqu’à ce qu’ils en aient tiré tout le vernis. Au bas de l’arbre est un panier où on laisse les coquilles jusqu’au soir. Pour faciliter la récolte du vernis, les propriétaires des arbres ont soin de les planter à peu de distance les uns des autres. Quand le temps de la récolte est venu, ils attachent avec des cordes un grand nombre de traversiers d’un arbre à l’autre, qui servent comme d’échelles pour y monter.