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les marchands se servent pour leur commerce ; enfin une multitude prodigieuse d’autres barques où logent des familles entières, qui n’ont que cette seule habitation, et où ils sont plus commodément que dans des maisons. Dans les plus petites où il n’y a point de chambre, ils ont quantité de nattes fort minces, d’environ cinq pieds en carré, et qu’ils dressent en forme de voûte, pour se défendre de la pluie et des ardeurs du soleil.

On en voit encore qu’on pourrait nommer des espèces de galères, et qui sont propres à naviguer sur les rivières, sur les côtes de la mer, et entre les îles. Ces barques sont aussi longues que des navires du port de 350 tonneaux, mais comme elles sont peu profondes, qu’elles ne tirent qu’environ deux pieds d’eau, et que d’ailleurs les rames sont longues et appuyées, non de travers sur les bords de la barque, comme celles d’Europe, mais hors des bords, et presque en ligne parallèle au corps de la barque, chaque rame est aisément agitée par un petit nombre de rameurs, et elles vont fort vite. Je ne parle point de certaines petites barques faites en forme de dragon, et fort ornées, qui leur servent chaque année dans un jour de fête, dont j’explique ailleurs l’origine.

Ceux qui font commerce de bois et de sel, et qui sont les plus riches marchands de la Chine, ne se servent point de barques pour voiturer leurs marchandises : ils y emploient une sorte de radeau construit de la manière suivante.

Après avoir transporté sur les bords du fleuve Kiang, le bois qu’ils ont coupé sur les montagnes, et dans les forêts voisines de la province de Se tchuen, ils en prennent autant qu’il est nécessaire pour donner au radeau quatre ou cinq pieds de hauteur, sur dix de largeur. Ils font des trous aux deux extrémités du bois, où ils passent des cordes faites d’une espèce d’osier tordu, ils enfilent d’autres bois à ces cordes, laissant dériver le radeau sur la rivière, jusqu’à ce qu’il soit de la longueur qu’ils souhaitent.

Ces radeaux sont longs à proportion que le marchand est riche : il y en a qui ont une demie lieue de longueur. Toutes les parties du radeau ainsi formées sont très flexibles, et se remuent aussi aisément que les anneaux d’une chaîne. Quatre ou cinq hommes le gouvernent sur le devant avec des perches et des rames : d’autres sont le long du radeau à une distance égale, qui aident à le conduire. Ils bâtissent au-dessus, d’espace en espace, des maisons de bois couvertes de planches ou de nattes, où ils enferment leurs meubles, où ils font leur cuisine, et où ils prennent leur sommeil. Dans les différentes villes où ils abordent, et où l’on achète leur bois, ils vendent leurs maisons toutes entières. Ils font ainsi plus de six cents lieues sur l’eau quand ils transportent leur bois jusqu’à Peking.


Des vaisseaux des Chinois.

Les Chinois naviguent sur la mer de même que sur les rivières. De tout temps ils ont eu d’assez bons vaisseaux ; on prétend même que plusieurs années avant la naissance du Sauveur, ils ont parcouru les mers des Indes. Cependant quelque connaissance qu’ils aient eu de