leur est nuisible, et quelquefois même les fait mourir, comme je l’ai souvent remarqué sur mer où nous en portions, toutes les fois qu’on tirait le canon ou qu’on faisait fondre du goudron. D’ailleurs ils vivent presque de rien ; les vers insensibles qui se forment dans l’eau, ou les parties les plus terrestres qui y sont mêlées, suffisent presque pour les empêcher de mourir. On y jette néanmoins de temps en temps de petites boules de pâte, mais il n’y a rien de meilleur que du pain à chanter, qui étant détrempé, fait une espèce de bouillie dont ils sont extrêmement avides, et qui est en effet très proportionnée à leur délicatesse naturelle.
« Dans les pays chauds, ils multiplient beaucoup, pourvu qu’on ait soin de retirer les œufs qui surnagent, et qu’ils mangent presque tous. On les place dans un vase particulier exposé au soleil, et on les y conserve jusqu’à ce que la chaleur les ait fait éclore. Les poissons en sortent avec une couleur noire, que quelques-uns d’eux conservent toujours, mais qui se change peu à peu dans les autres en rouge, en blanc, en or, en argent, selon leur différente espèce. L’or et l’argent commencent à se former à l’extrémité de la queue, et s’étendent un peu plus ou un peu moins, selon leur disposition particulière. De nouvelles connaissances qu’on a tirées des Chinois, qui font trafic de ces petits poissons et qui gagnent leur vie à les élever, et à les vendre, me donnent lieu de faire ici quelques observations.
1° Quoiqu’assez communément ils n’aient guère que la longueur d’un doigt, il y en a néanmoins qui sont aussi longs et aussi gros que les plus grands harengs.
2° Ce n’est pas la couleur rouge ou blanche qui distingue le mâle de la femelle. On reconnaît les femelles à divers points blancs qu’elles ont vers les ouïes, et vers les petites nageoires qui en sont proches ; et les mâles, en ce qu’ils ont ces endroits brillants et éclatants.
3° Quoiqu’assez ordinairement ils aient la queue en forme de bouquet, plusieurs néanmoins ne l’ont point différente de celles des poissons ordinaires.
4° Outre les petites boules de pâte dont on les nourrit, on leur donne le jaune d’un œuf de poule durci, de la chair maigre de cochon séchée au soleil et réduite en poussière très fine. On jette quelquefois des escargots dans le vase où on les conserve : leur bave attachée aux parois du vase, est un ragoût exquis pour ces petits poissons qui s’y jettent à l’envi les uns des autres pour la sucer. De petits vers rougeâtres qu’on trouve dans l’eau en certains réservoirs est encore pour eux un mets friand.
5° Il est rare qu’ils multiplient lorsqu’ils sont renfermés dans des vases, parce qu’ils y sont à l’étroit ; si l’on veut qu’ils deviennent féconds, il faut les mettre dans des réservoirs, où l’eau soit vive et profonde en quelques endroits.
6° Quand on a tiré l’eau du puits pour en remplir le vase où sont les poissons, il faut auparavant la laisser reposer cinq ou six heures, sans quoi elle serait trop crue et leur deviendrait nuisible.