est celui qu’ils appellent tcho kia yu, c’est-à-dire, l’encuirassé. Ils le nomment ainsi, parce qu’en effet il a sur le dos, sous le ventre, et aux deux côtés une suite d’écailles tranchantes, rangées en lignes droites, et posées les unes sur les autres, à peu près comme sont les tuiles sur nos toits. C’est un poisson admirable, dont la chair est fort blanche, et qui ressemble assez à celle du veau pour le goût.
Quand le temps est doux, on pêche une autre sorte de poisson fort délicat que les gens du pays appellent poisson de farine, à cause de son extrême blancheur, et parce que ses prunelles noires semblent être enchâssées dans deux cercles d’argent fort brillant : il y en a dans les mers du côté de la province de Kiang nan une quantité si prodigieuse, qu’on en tire jusqu’à quatre cents livres pesant d’un seul coup de filet.
Un des meilleurs poissons qui soit dans toute la Chine, est celui qu’on pêche à la quatrième et cinquième lune : il approche assez de nos brames de mer, et il pèse cinq à six livres : il se vend d’ordinaire huit deniers la livre, et tout au plus le double à vingt lieues dans les terres où on le transporte.
Quand cette pêche est finie, il arrive des côtes de la province de Tche kiang, de grandes barques chargées d’une autre espèce de poisson frais, qui ressemble assez aux morues de Terre-neuve. Il n’est pas croyable combien il s’en consomme dans la saison depuis les côtes de Fo kien jusqu’à celles de Chan tong, outre la quantité prodigieuse, qu’on sale dans le pays même où se fait la pêche.
On le vend à très vil prix, quoique les marchands ne puissent l’aller chercher sans beaucoup de frais : car il leur faut d’abord acheter du mandarin la permission de faire ce commerce, louer ensuite une barque, acheter le poisson à mesure qu’on le tire du filet, et l’arranger dans le fond de cale sur des couches de sel, de la même manière qu’à Dieppe on arrange les harengs dans des tonnes. C’est par ce moyen que malgré les plus grandes chaleurs ce poisson se transporte dans les provinces les plus éloignées. Il est aisé de juger combien cette pêche doit être abondante, puisque le poisson se vend à si bon compte nonobstant la dépense que font les marchands qui l’apportent.
Outre cette espèce de morue dont nous venons de parler, depuis la sixième jusqu’à la neuvième lune on fait venir une quantité surprenante d’autre poisson salé des côtes de la mer. Dans la province de Kiang nan on voit surtout de gros poissons venant de la mer ou du fleuve Jaune, qui se jettent dans de vastes plaines toutes couvertes d’eau : tout y est disposé de telle sorte, que les eaux s’écoulent aussitôt qu’ils y sont entrés. Ces poissons demeurant à sec, on les prend sans peine, on les sale, on les vend aux marchands qui en chargent leurs barques à peu de frais.
Dans le grand fleuve Yang tse kiang, vis-à-vis de la ville de Kieou kiang, où il a plus d’une demie lieue de largeur, on pêche toute sorte d’excellents poissons, et entre autres une espèce nommée hoang yu, c’est-à-dire, poisson jaune. Il est d’une grosseur extraordinaire, et d’un goût admirable. On