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De l’abondance qui règne à la Chine


On peut dire sans craindre de trop s’avancer, que la Chine est une des plus fertiles portions de l’univers, comme elle en est une des plus vastes et des plus belles : une seule de ces provinces pourrait faire un État considérable, et flatter l’ambition d’un prince. Il n’y a presque rien dans les autres pays qui ne se trouve à la Chine, et il y a une infinité de choses qu’on chercherait vainement ailleurs.

Cette abondance doit être attribuée, et à la profondeur des terres, et à l’industrie laborieuse de ces peuples, et à la quantité de lacs, de fleuves, de rivières, et de canaux, dont tout le pays est arrosé. Il n’y a guère de villes dans les provinces du midi, ni même de bourgs, où l’on ne puisse aller en bateau, parce que partout il y a des rivières ou des canaux. Le riz se sème en quelques provinces deux fois l’année ; il est bien meilleur que celui qui croît en Europe : la terre y produit plusieurs autres espèces de grains, telles que sont le froment, l’orge, diverses sortes de millets, les fèves, les pois toujours verts, les pois noirs et jaunes, dont on se sert, au lieu d’avoine, pour engraisser les chevaux : mais dans les parties méridionales, on fait moins de cas de tous ces grains que du riz, qui y est la nourriture ordinaire ; car dans les parties septentrionales on se nourrit surtout de froment.


Des animaux.

Parmi les animaux que l’on mange en Europe, et dont les Chinois tous les jours font usage, surtout les gens riches, qui ont soin de se bien régaler, la chair de cochon est, selon leur goût, la viande la plus délicieuse ; ils la préfèrent à toute autre, et elle fait comme la base de leurs repas. Il y a peu de maisons où l’on n’en nourrisse, et où on ne les engraisse : aussi en mangent-ils toute l’année. Il faut avouer qu’elle a bien meilleur goût qu’en Europe, et d’ailleurs sa chair est saine et n’est nullement indigeste : c’est un excellent manger qu’un jambon de la Chine.

La chair des juments sauvages est aussi fort estimée : outre le gibier, les volatiles, et autres animaux que nous avons en quantité, les nerfs de cerfs, et les nids d’oiseaux, dont j’ai déjà parlé, les pattes d’ours, et les pieds de divers animaux sauvages, qui leur viennent salés de Siam, de Camboye, et de la Tartarie, sont les délices de la table des grands seigneurs.

Le peuple s’accommode fort de la chair des chevaux, et des chiens, quoique morts de vieillesse, ou de maladie ; il n’a pas même de répugnance à manger celle des chats, des rats, et d’autres pareils animaux, qui se vend dans les rues. C’est un divertissement assez agréable, de