Détail des obsèques d'une impératrice.
Le deuil devient général dans tout l’empire, quand la mort attaque le trône. Lorsque l’impératrice mère fut enlevée au feu empereur Cang hi, le grand deuil dura cinquante jours. Pendant tout ce temps-là les tribunaux furent fermés, et l’on ne parla d’aucune affaire à l’empereur ; les mandarins passaient tout le jour au palais, uniquement occupés à pleurer, ou à en faire semblant ; plusieurs y passaient la nuit assis à l’air pendant le plus grand froid ; les fils même de l’empereur dormaient au palais, sans quitter leurs vêtements. Tous les mandarins à cheval, vêtus de blanc, et sans grande suite, allèrent pendant trois jours faire les cérémonies ordinaires devant le tableau de l’impératrice défunte. La couleur rouge était proscrite ; ainsi ils portaient le bonnet sans soie rouge, et sans aucun ornement.
Quand on porta le corps de l’impératrice au lieu de son dépôt, l’empereur voulut qu’on le fît passer par les portes ordinaires du palais, affectant de montrer par là combien il méprisait les idées superstitieuses des Chinois ; car c’est parmi eux un usage de faire de nouvelles ouvertures à leurs maisons, quand on doit transporter le corps de leurs parents décédés au lieu de leur sépulture, et de les refermer aussitôt, afin de s’épargner la douleur que leur causerait le fréquent souvenir du défunt, qui se renouvellerait toutes les fois qu’ils passeraient par la même porte où est passé le cercueil. Hors de la ville on bâtit un vaste et grand palais tout de nattes neuves, avec les cours, les salles, et les corps de logis, pour y placer le corps, jusqu’à ce qu’on le portât au lieu de la sépulture impériale.
Quatre jeunes demoiselles qui la servaient avec affection pendant la vie, voulaient l’accompagner à la mort, pour lui rendre les mêmes services dans l’autre monde ; elles avaient pris leurs atours, dans le dessein, selon l’ancienne coutume des Tartares, d’aller s’immoler devant le corps de leur maîtresse ; mais l’empereur, qui désapprouvait une coutume si barbare, les empêcha d’en venir à l’exécution. Ce prince a défendu d’observer désormais dans son empire, cette coutume extravagante qu’avaient les Tartares, de brûler les richesses, et même quelquefois des domestiques des grands seigneurs, lorsqu’on faisait leurs funérailles en brûlant leurs corps.
Obsèques des grands.
Les cérémonies qu’on observe aux obsèques des Grands, ont quelque chose de magnifique. On en pourra juger par celles qui se firent à la mort de Ta vang ye, frère aîné du feu empereur Cang hi, auxquelles quelques-uns de nos missionnaires furent obligés d’assister.
Le convoi commença par une troupe de trompettes et de joueurs d’instruments ; après quoi venaient deux à deux dans l’ordre suivant :
Dix porteurs de masses, qui étaient de cuivre doré.
Quatre parasols, et quatre dais de drap d’or.
Six chameaux à vide, avec une peau de zibeline pendue au col.
Six chameaux chargés de tentes et d’équipages de chasse, couverts de grandes housses rouges, qui traînaient jusqu’à terre.
Six chiens de chaise menés en laisse.
Quatorze chevaux de main sans selle, ayant seulement la bride jaune, et la zibeline pendante.