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touché, de sorte qu’à la fin du repas, tous les plats qu’on n’enlevait pas après les avoir servis, formaient une espèce de carré de vingt plats, ce qui faisait le corps du festin.

C’est à la fin de chaque acte de ce festin comique, c’est-à-dire, à chaque quatrième plat qui paraissait sur la table, que pour faire quelque distinction, on servait un bouillon particulier, et une assiette de pâtisserie, semblable aux pâtés à la mazarine pour la figure, mais d’un goût bien différent. Enfin tout se conclut par une tasse de thé.

Il fallut goûter de tout et avec les mêmes cérémonies, qui nous parurent fort importunes ; car c’était la première fois que j’avais assisté à un repas semblable : j’y avais été cependant invité plusieurs fois, mais je m’en étais excusé pour des raisons, qui ne déplurent pas à ceux qui me faisaient cet honneur.

Quand il y a comédie, c’est l’usage à la fin du repas, comme je l’ai déjà dit, que chacun des conviés fasse un petit présent aux officiers qui ont servi : un valet de chacun porte à la main quatre ou cinq petits sacs de papier rouge avec un peu d’argent dans chacun, et après avoir pris l’ordre de son maître, il va ranger ses sacs sur une table, qu’on apporte quelquefois au bas de la salle, à la vue de tous les conviés, tandis que le maître fait voir par divers signes, la répugnance qu’il a d’accepter cette gratification pour ses gens.

Enfin la cérémonie du festin se termine par de grands remerciements réciproques, et après un quart d’heure de conversation, chacun se retire. Le lendemain matin, suivant la coutume, j’envoyai au tsong tou un tie tsëe ou billet de remerciement sur les honneurs qu’il m’avait fait la veille.

Telles sont les cérémonies que la politesse chinoise exige, et qui s’observent presque toujours dans les festins solennels ; il est vrai cependant que les Tartares qui n’aiment guère à se gêner, en ont retranché une bonne partie. Quoi que leurs viandes et leurs poissons se servent coupés en morceaux où bouillis, leurs cuisiniers ont l’art d’assaisonner leurs mets de telle sorte, qu’ils sont très agréables au goût.


Cuisine des Chinois.

Pour faire leurs bouillons qui sont exquis, ils se servent ou de la graisse de cochon, qui est excellente à la Chine, ou du suc de différentes viandes telles que sont le cochon, la poule, le canard, etc. ; et même pour apprêter les viandes qui se servent coupées par morceaux dans des vases de porcelaine, ils achèvent de les cuire dans ce jus.

Dans toutes les saisons de l’année, il croît toute sorte d’herbes et de légumes qu’on ne connaît point en Europe : de la graine de ces herbes, on fait une huile qui est aussi d’un bon usage pour les sauces. Les cuisiniers de France qui ont le plus raffiné sur ce qui peut réveiller l’appétit, seraient surpris de voir que les Chinois ont porté l’invention en matière de ragoût, encore plus loin qu’eux, et à bien moins de frais. On aura de la peine à se persuader qu’avec de simples fèves qui croissent dans leur pays, ou qui leur viennent de la province de Chan tong, et avec la farine qu’ils tirent de leur riz et de leur blé, ils préparent une infinité