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l’on peut, à boire à longs traits. On continue la comédie, ou bien quelquefois pour se divertir davantage, on se fait apporter le livre de farces, et chacun choisit la sienne ; il s’en représente de fort agréables.

Il y a pour ce service, de même que pour le premier, cinq grands plats de parade sur les côtés de la table. Durant ce temps-là on donne à manger aux domestiques des conviés dans une des chambres voisines ; on les traite très bien, mais sans aucune cérémonie.

Au commencement du second service, chaque convié fait apporter par un de ses valets un bandège, où sont divers petits sacs de papier rouge, qui contiennent un peu d’argent, pour le cuisinier, pour les maîtres d’hôtel, pour les comédiens, et pour ceux qui servent à table. On donne plus ou moins, selon la qualité de la personne qui vous a régalé : mais l’on ne fait ce petit présent, que lorsque le festin est accompagné de la comédie. Chaque domestique porte son bandège devant celui qui a donné le festin, lequel après avoir fait quelques difficultés, y consent enfin, et fait signe à un de ses domestiques de le prendre, pour en faire la distribution.

Ces festins durent quatre ou cinq heures : c’est presque toujours la nuit ou vers la nuit qu’ils se font, et ils ne finissent guère qu’à minuit : on se sépare avec les mêmes cérémonies que nous avons décrites, en parlant des visites. Les domestiques qui attendent leurs maîtres, marchent devant leurs chaises, portant de grandes lanternes de papier huilé, où les qualités de leurs maîtres sont écrites en gros caractères, et quelquefois leurs noms. Le lendemain matin chacun des conviés envoie par un de ses domestiques un tie tsëe, ou billet pour remercier celui qui les a si bien régalés.


Description d'un repas donné au Père Bouvet.

L’un de ces repas solennels fut celui auquel le père Bouvet assista à Canton, lorsque comme je l’ai déjà dit, il fut envoyé par l’empereur en Europe. Il fut invité à ce régal avec Tong lao ye, grand mandarin de la cour qui l’accompagnait, et deux autres missionnaires, par le tsong tou de la province, et comme ce mandarin réside d’ordinaire à la ville de Tchao king, qui est à vingt-deux lieues de Canton, il avait emprunté l’hôtel du tsiang kiun pour cette fête.

Bien que les cérémonies soient à peu près les mêmes, cependant la description qu’en fait le père Bouvet dans une lettre qu’il écrivit en ce temps-là en Europe, mérite d’être rapportée, à cause des particularités qu’elle contient.

« Le lieu où se fit le régal, est un grand et vaste édifice, au fond de deux grandes cours carrées, composé de trois grandes salles, bâties sur trois lignes parallèles, une sur le devant, une autre sur le derrière et la troisième au milieu ; en sorte que la salle antérieure et la postérieure communiquent à celle du milieu, par le moyen de deux longues et larges galeries, qui ont chacune leur cour de part et d’autre.

La salle du milieu qui est la plus grande et la plus belle des trois, et où se fît le festin, était remarquable par la longueur et la grosseur extraordinaire, tant des colonnes, que des poutres, et des autres pièces de charpente, dont les Chinois affectent de charger leurs toits par magnificence. La salle