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se déclarer empereur. Il prit le nom de Tien chun qui signifie celui qui obéit au Ciel, afin de persuader aux peuples qu’il était l’instrument dont le Ciel se servait, pour les délivrer de la cruelle tyrannie des ministres qui les opprimaient.

Quand le rebelle se vit dans le voisinage de Peking, où la division qui régnait parmi les Grands, lui avait donné lieu de ménager par ses émissaires des intelligences secrètes, il ne perdit point de temps, et songea sérieusement à se rendre maître de cette capitale : elle se trouvait désarmée d’une grande partie des troupes, qu’on avait envoyées sur la frontière de Tartarie : plusieurs des chefs de celles qui y restaient, étaient gagnés, et prêts à seconder le dessein du tyran : de plus, il avait fait glisser dans la ville grand nombre de ses plus braves soldats déguisés en marchands, auxquels il avait donné de quoi lever des boutiques, et faire le commerce, afin que dispersés dans tous les quartiers, ils pussent y répandre la terreur, et favoriser son irruption, lorsqu’il se présenterait avec son armée devant les murailles.

Des mesures si bien prises lui réussirent : à peine parut-il, qu’une des portes de la ville lui fut ouverte avant le lever du soleil : la résistance que firent quelques soldats fidèles, ne fut pas longue. Li cong tse traversa toute la ville en conquérant, et alla droit au palais. Il avait déjà forcé la première enceinte, sans que l’empereur en eût connaissance, et ce malheureux prince n’apprit sa triste destinée, que lorsqu’il ne lui était plus libre d’échapper à la fureur de son ennemi. Trahi, abandonné de ses courtisans, et craignant plus que la mort de tomber vif entre les mains d’un sujet rebelle, il fit un coup de désespéré, il descendit dans un de ses jardins avec sa fille, et après l’avoir abattue à ses pieds d’un coup de sabre, il se pendit à un arbre.


Héroïsme d’Ou san guey.

Après cette mort, tout se soumit à cette nouvelle puissance. Le tyran pour s’affermir sur le trône, commença par faire mourir plusieurs grands mandarins, et tira des autres de grosses sommes d’argent. Il n’y eut qu’Ou san guey, général des troupes postées sur les frontières de la Tartarie, qui refusa de le reconnaître pour souverain. Ce général avait son père à Peking nommé Ou. C’était un vieillard vénérable par son âge et par ses dignités. Le nouvel empereur le fit venir, et lui ordonna de le suivre dans l’expédition qu’il allait faire.

Aussitôt il part à la tête de son armée, pour aller réduire le général des troupes chinoises, qui s’était renfermé dans une ville de Leao tong. Après en avoir formé le siège, il fit approcher des murailles le vieillard chargé de fers, et menaça le général de faire égorger son père à ses yeux, s’il ne se soumettait de bonne grâce.

Ou san guey sentit à ce moment les divers combats, que d’un côté l’amour de la patrie, et de l’autre la tendresse filiale livraient tour à tour à la bonté de son cœur : dans des agitations si violentes, il ne prit conseil que de sa vertu : l’amour de la patrie l’emporta et il lui sacrifia ce qu’il devait à son père. Le vieillard lui-même loua la généreuse