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Lorsque les Chinois s’entretiennent ensemble, ils s’expriment en des termes les plus humbles et les plus respectueux, et à moins qu’ils ne parlent familièrement, et entre amis, ou à des personnes d’un rang fort inférieur, ils ne disent jamais je et vous, à la première et à la seconde personne : ce serait une incivilité grossière ; ainsi au lieu de dire, je suis très sensible au service que vous m’avez rendu, ils diront : le service que le seigneur, ou bien le docteur a rendu à son petit serviteur, ou bien à son disciple, m’a été extrêmement sensible. De même un fils parlant à son père, s’appellera son petit fils, quoiqu’il soit l’aîné de sa famille, et qu’il ait lui-même des enfants.

Souvent même ils se servent de leur nom propre, pour s’exprimer d’une manière plus respectueuse ; car il est à remarquer qu’on donne aux Chinois plusieurs noms conformes à leur âge et à leur rang. D’abord on leur donne à leur naissance le nom de famille, qui est commun à tous ceux qui descendent du même aïeul : environ un mois après qu’ils sont nés, le père et la mère donnent un petit nom à leur fils, un nom de lait, comme ils l’appellent et c’est d’ordinaire le nom d’une fleur, d’un animal, ou de quelque autre chose semblable. Quand il commence à s’appliquer à l’étude, il reçoit un nouveau nom de son maître, qui se joint au nom de famille, et c’est de ce nom composé qu’on l’appelle dans l’école. Lorsqu’il a atteint l’âge viril, il prend parmi ses amis un autre nom, et c’est celui qu’il conserve, et qu’il signe d’ordinaire à la fin de ses lettres ou d’autres écrits. Enfin quand il parvient à quelque charge considérable, on l’appelle d’un nom particulier convenable à son rang et à son mérite, et c’est de ce nom là que la politesse veut qu’on se serve en lui parlant : ce serait une incivilité de l’appeler de son nom de famille, à moins qu’on ne fût d’un rang fort supérieur au sien.

Ces manières polies et modestes auxquelles on forme de bonne heure les Chinois, inspirent au peuple le plus profond respect pour ceux qui les gouvernent, et qu’ils regardent comme leurs pères. Mais les marques qu’ils donnent de leur vénération, ne nous paraissent pas moins extraordinaires.


Cérémonie quand un gouverneur se retire de son gouvernement.

Lorsqu’un gouverneur de ville se retire dans une autre province, après avoir exercé la charge avec l’approbation du public, le peuple lui rend à l’envi les plus grands honneurs. Dès qu’il commence son voyage, il trouve sur le grand chemin durant deux ou trois lieues, des tables rangées d’espace en espace ; elles sont entourées d’une longue pièce de soie qui pend jusqu’à terre ; on y brûle des parfums ; on y voit des chandeliers, des bougies, des viandes, des légumes, et des fruits : à côté sur d’autre tables, on trouve préparés le thé et le vin qu’on doit lui offrir.

Aussitôt que le mandarin paraît, le peuple se met à genoux, et courbe la tête jusqu’à terre : les uns pleurent, ou plutôt font semblant de pleurer ; les autres le prient de descendre pour recevoir les derniers témoignages de leur reconnaissance ; on lui présente le vin et les viandes préparées, et on l’arrête continuellement à mesure qu’il avance.

Ce qu’il y a de plaisant, c’est qu’il trouve des gens qui lui tirent à plusieurs