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et tous ceux dont on a intérêt de ménager les bonnes grâces. On représente des comédies ; on se régale, on se souhaite réciproquement toutes sortes de prospérités : enfin tout l’empire est en mouvement, et l’on n’y respire que la joie et le plaisir.

Le quinzième du premier mois est encore très solennel : toute la Chine est illuminée, et si l’on pouvait la contempler de quelque lieu élevé, on la verrait toute en feu.

La fête commence dès le treizième au soir jusqu’au seize ou dix-septième. Il n’y a personne dans les villes et à la campagne, sur les côtes ou sur les rivières, qui n’allume des lanternes peintes, et diversement façonnées ; point de maison, quelque pauvre qu’elle soit, qui n’en ait de suspendues dans les cours, et aux fenêtres ; chacun veut se distinguer ; les pauvres en ont à assez bon compte ; celles des personnes riches vont quelquefois jusqu’à deux cents francs ; les grands mandarins, les vicerois, et l’empereur en font faire qui coûtent trois à quatre mille livres.

C’est un spectacle pour toute la ville ; on y accourt de toutes parts, et pour contenter le peuple, on laisse tous ces soirs-là les portes de la ville ouvertes : il lui est permis d’aller jusque dans les tribunaux des mandarins, qui se font honneur de les bien orner, pour donner idée de leur magnificence.

Ces lanternes sont très grandes : il y en a qui sont composées de six panneaux, dont le cadre est de bois vernissé et orné de dorures : on tend à chaque panneau une toile de soie fine et transparente, sur laquelle on a eu soin de peindre des fleurs, des arbres, des animaux, et des figures humaines ; il y en a d’autres qui sont rondes, et faites d’une corne transparente, et de couleur bleue d’une grande beauté : on met dans ces lanternes beaucoup de lampes, et un grand nombre de bougies, dont la lumière anime ces figures rangées avec art. Le haut de cette machine est couronné par divers ouvrages de sculpture, d’où pendent à chaque angle, des banderoles de satin et de soie de diverses couleurs.

Il y en a plusieurs où l’on représente des spectacles propres à amuser, et à divertir le peuple : on y voit des chevaux qui galopent, des vaisseaux qui voguent, des armées en marche, des danses, et diverses autres choses de cette nature. Des gens cachés, par le moyen de quelques fils imperceptibles, font mouvoir toutes ces figures.

D’autres fois ils font paraître des ombres qui représentent des princes et des princesses, des soldats, des bouffons et d’autres personnages, dont les gestes sont si conformes aux paroles de ceux qui les remuent avec tant d’artifice, qu’on croirait les entendre parler véritablement. Il y en a d’autres qui portent un dragon plein de lumières, depuis la tête jusqu’à la queue et long de 60 à 80 pieds, auquel ils font faire les mêmes évolutions que ferait un serpent.


Feux d'artifice.

Mais ce qui donne un nouvel éclat à cette fête, ce sont les feux d’artifice qui se font presque dans tous les quartiers de la ville. C’est à quoi l’on prétend que les Chinois excellent. Le père Magaillaens rapporte qu’il fut extraordinairement frappé d’un de ces feux qui se fit en sa présence : une