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se sert d’écailles d’huîtres fort minces, ou d’étoffes fines enduites d’une cire luisante, et enrichies de fleurs, d’arbres, et de diverses figures : le tillac est environné de galeries, où les matelots peuvent aller et venir, sans incommoder ceux qui y sont logés.

Cet appartement est couvert d’une plateforme, ou d’une espèce de belvédère, ouverte de tous côtés, destinée pour la musique, qui consiste en quatre ou cinq joueurs d’instruments, dont l’harmonie ne peut flatter que des oreilles chinoises. Le dessous, qui est comme le fond de cale, est partagé en plusieurs soutes qui contiennent le bagage. Les voiles sont faites de nattes, qui se replient de même que les feuilles de soufflets ; chaque voile est divisée en plusieurs carrés oblongs, lesquels étant étendus, forment la voile. Lorsqu’on la plie, elle n’occupe presque point de place. Ces voiles sont commodes, en ce qu’elles tiennent plus près du vent que d’autres, et que si un grand vent fait manquer l’écoute, il n’en arrive aucun inconvénient à la barque ou au vaisseau.

Pour pousser ces grandes barques, ils se servent de longues et grosses perches faites en forme de potence, ou de T, dont un bout va jusqu’au fond de l’eau, et l’autre est appuyé contre le devant de l’épaule pour faire plus d’effort, et faire avancer la barque plus vite ; ou bien ils se servent de rames, qui sont de diverses figures : c’est d’ordinaire un bois long, qui se termine en forme de pelle ; il y a un trou au milieu, pour recevoir des chevilles qui sont fichées sur le bord de la barque. Ils en ont d’autres qui ne sortent jamais de l’eau : ils gouvernent de telle sorte l’extrémité de la rame à la droite et à la gauche qu’elle imite le mouvement de la queue d’un poisson et coupe toujours le haut obliquement, comme font les oiseaux de rapine, en volant sans remuer les ailes, et se servant pour rames de leurs queues.

La commodité qu’on y trouve, c’est que les rameurs n’occupent presque point de place sur la barque ; ils sont rangés au bord sur des ais, et leurs rames font l’effort du timon ; elles rompent rarement, et quoiqu’elles ne sortent jamais de l’eau, elles poussent toujours la barque.

Il y a de ces barques qui se tirent à la corde, lorsque le vent est contraire, ou qu’on est obligé d’aller contre le courant : cette corde se fait en plusieurs endroits d’éclisses de cannes : on coupe ces cannes en parties minces et longues, et l’on en fait un tissu comme de la corde : l’eau ne les pourrit jamais, et elles sont d’une force surprenante : il y a d’autres endroits où l’on se sert de corde de chanvre.

La barque qui porte un grand mandarin, est toujours suivie de plusieurs autres, comme nous avons dit, parmi lesquelles il y en a toujours du moins une appelée ho che tchouen, ou barque des provisions ; elle porte la cuisine, les provisions de bouche, et les officiers qui préparent à manger ; une autre qui est pour l’escorte, où il y a des soldats ; une troisième beaucoup plus petite et plus légère, qu’on pourrait appeler barque de courriers, parce qu’elle est destinée à courir devant en diligence, pour donner avis et faire préparer les choses nécessaires sur la route, afin que tout se trouve prêt au passage, et qu’on ne soit pas obligé d’attendre.