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sont sortis d’une basse famille, affectent de laisser croître leurs ongles au petit doigt : ils ne les rognent point, ils se contentent de les tailler, et ils les ont ordinairement longs d’un pouce ou davantage ; ils prétendent faire voir par là, que la nécessité ne les assujettit point à un travail mercenaire.


Beauté des femmes.

Pour ce qui est des femmes, elles sont d’ordinaire d’une taille médiocre : elles ont le nez court, les yeux petits, la bouche bien faite, les lèvres vermeilles, les cheveux noirs, les oreilles longues et pendantes ; leur teint est fleuri, il y a de la gaieté dans leur visage, et les traits en sont assez réguliers.

On assure qu’elles se frottent tous les matins d’une espèce de fard, qui relève la blancheur de leur teint, et leur donne du coloris, mais qui de bonne heure leur sillonne la peau, et la couvre de rides.


Petitesse des pieds estimée à la Chine.

Parmi les agréments de ce sexe, ce n’en est pas un médiocre que la petitesse des pieds ; dès qu’une fille vient au monde, les nourrices sont très attentives à lui lier étroitement les pieds, de peur qu’ils ne croissent : les dames chinoises se ressentent toute leur vie de cette gêne, à laquelle on les assujettit dès leur enfance ; et leur démarche en est lente, mal assurée, et désagréable à nos yeux européens. Cependant telle est la force de l’usage, non seulement elles souffrent volontiers cette incommodité, mais encore elles l’augmentent, et se les rendent les plus petits qu’il est possible ; elles s’en font un mérite, et elles affectent de les montrer lorsqu’elles marchent.

On ne peut dire certainement quelle est la raison d’une mode si bizarre : les Chinois eux-mêmes n’en sont pas sûrs ; il y en a qui traitent de fable l’idée qu’on a eue, que c’était une invention des anciens Chinois, qui pour obliger les femmes à garder la maison, avaient mis les petits pieds à la mode. Le plus grand nombre au contraire, croit que c’est un trait de politique et qu’on a eu en vue de tenir les femmes dans une continuelle dépendance. Il est certain qu’elles sont extrêmement resserrées, et qu’elles ne sortent presque jamais de leur appartement, qui est dans le lieu le plus intérieur de la maison, et où elles n’ont de communication qu’avec les femmes qui les servent.

Cependant elles ont pour la plupart l’entêtement ordinaire de leur sexe, et quoi qu’elles ne doivent être vues que de leurs domestiques, elles passent tous les matins plusieurs heures à s’ajuster et à se parer. Leur coiffure consiste d’ordinaire en plusieurs boucles de cheveux, mêlés de tous côtés de petits bouquets de fleurs d’or et d’argent.

Il y en a qui ornent leur tête de la figure d’un oiseau appelle fong hoang, oiseau fabuleux, dont l’antiquité dit beaucoup de choses mystérieuses. Cet oiseau est fait de cuivre ou de vermeil doré, selon la qualité des personnes. Ses ailes déployées tombent doucement sur le devant de leur coiffure, et embrassent le haut des tempes : sa queue longue et ouverte fait comme une aigrette sur le milieu de la tête ; le corps est au-dessus du front : le col et le bec tombent au-dessus du nez, mais le col est attaché au corps de l’animal, avec une charnière qui ne paraît point, afin qu’il ait du jeu, et qu’il branle au moindre mouvement de tête. L’oiseau entier tient sur la tête