leur mécontentement, et comme ils n’en viennent jamais aux voies de fait, surtout les personnes d’une certaine distinction, ils gardent avec leurs ennemis les dehors et les bienséances ; on dirait qu’ils sont insensibles. Mais l’occasion de détruire leur ennemi se présente-elle ? ils la saisissent sur-le-champ ; et s’ils ont paru si patients, ce n’a été que pour trouver le moment favorable de porter plus sûrement leur coup.
Il y a des cantons, où les peuples aiment de telle sorte le procès, qu’ils engagent leurs terres, leurs maisons, leurs meubles, tout ce qu’ils ont, pour avoir le plaisir de plaider, et de faire donner une quarantaine de coups de bâtons à leur ennemi ; et il arrive quelquefois que celui-ci, moyennant une plus grosse somme, qu’il donne sous main au mandarin, a l’adresse d’éluder le châtiment, et de faire tomber les coups de bâton sur le dos de celui qui l’avait appelé en justice. De là naissent entre eux les haines mortelles, qu’ils conservent toujours dans le cœur, jusqu’à ce qu’ils aient trouvé occasion de tirer une vengeance qui les satisfasse.
Une des voies qu’ils emploient pour se venger, quoique rarement, c’est de mettre le feu pendant la nuit à la maison de leur ennemi : les pailles allumées qui le réveillent en tombant sur lui, le font ressouvenir des coups de bâton qu’il a fait donner. Ce crime est un des capitaux de l’empire ; selon les lois, ceux qui en sont convaincus, doivent être punis de mort, et les mandarins sont très adroits pour découvrir le coupable.
Il n’est pas surprenant de trouver de pareils excès, chez un peuple qui n’est pas éclairé des lumières de l’Évangile. On en voit pourtant, à qui les seules lumières de la raison, inspirent de l’horreur pour ces sortes de crimes, et qui se réconcilient de bonne foi avec leurs ennemis.
Leur modestie est surprenante : les lettrés ont toujours un air composé et ils ne feraient pas le moindre geste, qui ne fût entièrement conforme aux règles de la bienséance.
La pudeur semble être née avec les personnes du sexe ; elles vivent dans une continuelle retraite ; elles sont décemment couvertes, jusqu’à leurs mains qui ne paraissent jamais, et qu’elles tiennent toujours cachées sous de longues et larges manches. Si elles ont quelque chose à donner, même à leurs frères et à leurs parents, elles le prennent de la main toujours couverte de leur manche, et le mettent sur la table, où les parents peuvent le prendre.
L’intérêt est le grand faible de cette nation : il fait jouer aux Chinois toute sorte de personnages, même celui de désintéressé. Qu’il y ait quelque gain à faire, ils y emploieront toute la subtilité de leur esprit : on les voit s’insinuer avec adresse auprès des personnes qui peuvent favoriser leurs prétentions, ménager de longue main leur amitié par de fréquents services, s’ajuster à tous les caractères avec une souplesse étonnante, et tirer avantage des moindres ouvertures qu’on leur donne, pour parvenir à leurs fins ; l’intérêt est comme le mobile de toutes leurs actions : dès qu’il se présente le moindre profit, rien ne leur coûte, et ils entreprendront les voyages les plus pénibles : enfin c’est là ce qui les met dans un mouvement continuel,