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les maisons des particuliers. Si, par exemple, vous voulez vous faire faire un habit, le tailleur vient de grand matin dans votre maison, et s’en retourne le soir chez lui ; il en est de même des autres ouvriers ; il n’y a pas jusqu’aux forgerons, qui portent avec eux leurs outils, leur enclume, et leurs fourneaux pour les ouvrages ordinaires.

Grand nombre de barbiers parcourent la ville avec une espèce de sonnette, pour avertir ceux qui ont besoin de leur service : ils portent sur leurs épaules un siège, leur bassin, leur coquemar, et du feu, avec le linge et leur trousse ; et sur-le-champ, où l’on veut, dans la rue, au milieu d’une place, sur la porte des maisons ils rasent fort proprement la tête, n’y laissant qu’une longue tresse de cheveux sur le derrière, à la manière des Tartares qui ont introduit cet usage ; ils ajustent les sourcils, nettoient les oreilles avec des instruments propres à cet usage, tirent les bras, frottent les épaules et font cela pour 18 deniers, qu’ils reçoivent avec beaucoup de reconnaissance. Puis ils recommencent avec leur sonnette à chercher d’autres pratiques.

Plusieurs gagnent leur vie à fournir des voitures pour aller par la ville, particulièrement dans Peking. On trouve dans toutes les places et les carrefours, des chevaux sellés et tout prêts à être montés, des mulets, des chaises ; et on peut à toute heure avoir en chaque endroit, cinquante ou cent de ces voitures, à un prix fort modique.

Il n’y a point d’inventions auxquelles ils n’aient recours, pour trouver le moyen de subsister : comme il n’y a pas dans tout l’empire un pouce de terre inutile, aussi n’y a-t-il personne, ni homme, ni femme, quelque avancé qu’il soit en âge, quelque incommodité qu’il ait, fût-il sourd et aveugle, qui ne gagne aisément sa vie. On ne se sert guère à la Chine pour moudre le grain, que de moulins à bras : une infinité de ces pauvres gens s’occupent à ce travail, qui ne demande que le mouvement des mains. Ce n’est pas qu’il n’y ait aussi des moulins à eau : on en voit sur les rivières qui servent à broyer les écorces, dont ensuite on fait des pastilles. La roue de ces moulins est posée horizontalement : elle a une double jante à un pied ou un pied et demi l’une de l’autre : ces jantes sont unies par de petites planches obliquement, de sorte que par le haut elles laissent une ouverture assez grande, et par le bas une fente peu large : l’eau qui tombe en nappe de deux pieds de haut sur ces petites planches, fait tourner la roue assez vite.

Les choses qui paraissent les plus inutiles, un Chinois sait les mettre à profit : quantité de familles à Peking ne subsistent qu’en vendant de la mèche et des allumettes : d’autres n’ont point d’autre métier que de ramasser dans les rues des chiffons d’étoffes de soie, de toile de coton, et de chanvre ; des plumes de poules, des os de chien, des morceaux de papier qu’ils lavent et vendent ensuite à d’autres. On y fait même trafic de choses, qu’on jette bien loin en Europe pendant l’obscurité de la nuit. On voit dans toutes les provinces une infinité de gens qui portent des seaux pour cet usage : en quelques endroits ils vont avec leurs barques dans des canaux qui règnent sur le derrière des maisons, et remplissent ces barques presque à toutes les heures du jour.