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De l’adresse des artisans, et de l’industrie du menu peuple.


On distingue parmi le peuple, comme je l’ai dit, trois sortes de professions : celle des laboureurs, qui est la plus estimée ; celle des marchands, dont je parlerai, lorsqu’il s’agira du commerce qui se fait à la Chine ; et enfin celle des artisans qui vivent du travail de leurs mains, et qui étant continuellement occupés aux arts mécaniques, fournissent aux nécessités et aux commodités de la vie.

Le menu peuple ne peut guère satisfaire, ni pourvoir à son entretien, que par un pénible et continuel travail : aussi ne voit-on guère de nation plus sobre et plus laborieuse. Un Chinois passera les jours entiers à remuer la terre à force de bras ; souvent il sera dans l’eau jusqu’aux genoux, et le soir il se croira heureux de trouver du riz, des herbes cuites, avec un peu de thé.

Il est à observer qu’à la Chine, le riz se cuit toujours à l’eau, et il est à l’égard des Chinois, ce que le pain est à l’égard des Européens, sans jamais causer de dégoût : ces peuples s’accoutument de bonne heure à souffrir ; et les travaux dans lesquels on les élève dès leur enfance, contribuent beaucoup à conserver l’innocence de leurs mœurs.

Les ouvrages de vernis, les belles porcelaines, et ces différentes étoffes de soie si bien travaillées, qui nous viennent de la Chine, prouvent assez l’adresse et l’habileté des ouvriers chinois : ils ne travaillent pas moins délicatement toutes sortes d’ouvrages d’ébène, d’écaille, d’ivoire, d’ambre, et de corail : leurs pièces de sculpture, de même que les ouvrages publics, tels que sont les portes des grandes villes, les arcs de triomphe, leurs ponts et leurs tours, ont quelque chose de grand et de noble : enfin ils réussissent également dans tous les arts, qui sont nécessaires aux usages ordinaires de la vie, ou qui peuvent contribuer à une certaine propreté : et s’ils n’ont pas atteint le degré de perfection, que nous voyons dans plusieurs ouvrages d’Europe, c’est qu’ils sont arrêtés par la frugalité chinoise, qui a mis des bornes aux dépenses des particuliers.

Il est vrai qu’ils ne sont pas aussi inventifs que nos artisans, mais les outils dont ils se servent sont plus simples, et ils imitent assez bien tous les ouvrages qui leur ont été apportés, et qui leur étaient inconnus. Ainsi on leur voit faire maintenant, aussi bien qu’en Europe, des montres, des horloges, du verre, des fusils, des pistolets, et plusieurs autres choses, dont ils n’avaient pas même l’idée, ou qu’ils ne faisaient que fort imparfaitement.

Il y a dans toutes les villes des artisans de toute sorte, dont les uns travaillent dans leurs boutiques à leurs ateliers, et les autres vont de rue en rue offrir leurs services, à ceux qui en ont besoin ; la plupart travaillent dans