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Les premières secousses se firent sentir un peu avant onze heures du matin si subitement et avec tant de violence, qu’on ne s’aperçut du tremblement que par la chute des maisons et des édifices, et par le fracas affreux qu’elles faisaient en s’écroulant. On eût dit qu’une mine universelle les faisait sauter en l’air, et que la terre s’abîmait sous les pieds. En moins d’une minute plus de cent mille habitants de cette grande ville furent écrasés sous leurs ruines, et encore beaucoup plus à la campagne, où des bourgades entières ont été tout à fait détruites.

Ce tremblement a été singulier, en ce qu’il n’a pas été égal dans la ligne qu’il a parcouru. Dans des endroits de cette ligne il a fait de grands ravages, et par des espèces de soubresaut, il a laissé des intervalles, où il ne s’est fait sentir que légèrement, et après ces intervalles il a repris toutes ses forces. Dans ces deux secousses contraires et si précipitées, rien n’a pu résister : plus les masses étaient solides, et plus l’effet était violent. Cette première secousse fut suivie en moins de vingt-quatre heures de vingt-trois autres plus légères.

L’empereur était à sa belle maison de plaisance à deux lieues de Peking qui tout à coup a été réduite à un si pitoyable état, qu’elle ne peut être réparée que par des sommes immenses. Il se promenait alors dans une barque sur un canal qui traverse ses jardins : il se prosterna aussitôt contre terre, et éleva les yeux et les mains au Ciel : il publia ensuite un édit, où il s’accusait soi-même, en attribuant ce fléau de la colère céleste à ses offenses, et au peu de soin qu’il a apporté au gouvernement de l’empire.

Ce prince a paru très sensible à l’affliction de son peuple : il a charge plusieurs officiers de dresser un état des maisons renversées, d’examiner le dommage que chaque famille a souffert : il a fait des largesses considérables pour leur soulagement. Les missionnaires de Peking ont eu part à ces libéralités, il les a admis à son audience, les a reçus avec bonté et leur a donné mille taëls pour aider à réparer leurs églises.

La 52e année du cycle (1732) les missionnaires, qui, dix ans auparavant avaient été chassés des provinces de l’empire, et relégués à Canton furent chassez de Canton même et renvoyés à Macao, petite ville qui appartient aux Portugais, mais où pourtant les Chinois sont les maîtres. On ne leur donna que trois jours pour se préparer au départ, et emporter leurs meubles. L’unique raison qu’on apporta, d’un traitement si dur, c’est qu’ils avaient contrevenu aux ordres de l’empereur, en publiant la loi chrétienne.

Ce fut le 20 août qu’on les fit embarquer au nombre de trente, et qu’ils mirent à la voile sous l’escorte de quatre