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dans leur foi on fît venir les princes à Peking sur des charrettes, et toujours chargés de neuf chaînes, là ils eurent à subir plusieurs interrogatoires, où on leur promettait de les rétablir dans la splendeur de leur rang, s’ils renonçaient à la foi, sinon on les menaçait des plus affreux supplices. Mais comme ils ne cessaient de rendre témoignage aux vérités chrétiennes, sans que les promesses, ni les menaces, ni toute la puissance d’un grand empereur puissent ébranler tant soit peu leur confiance, les tribunaux les condamnèrent à la mort.

L’empereur changea cette peine en une prison perpétuelle. Quelques-uns furent enfermés dans d’étroites prisons, où trois font morts de pure misère. Les autres furent dispersés dans les provinces pour y finir leurs jours sous la pesanteur des chaînes, et dans l’obscurité d’un cachot. Deux ambassadeurs, l’un de Portugal, et l’autre de Moscovie, qui se trouvaient alors à la cour de Peking ont été les admirateurs de la confiance et de l’intrépidité de ces illustres confesseurs de Jésus-Christ.

Tout aliéné que ce prince paraisse de la religion, à laquelle il n’a pu cependant refuser son estime, on ne saurait s’empêcher de louer son application infatigable dans le travail : il pense nuit et jour à établir la forme d’un sage gouvernement, et à procurer le bonheur de ses sujets : c’est lui faire sa cour que de lui présenter quelque projet qui tende à l’utilité publique et au soulagement des peuples. Il y entre aussitôt et l’exécute sans nul égard à la dépense. Il a fait plusieurs beaux règlements soit pour honorer le mérite et récompenser la vertu, soit pour mettre de l’émulation parmi les laboureurs, ou pour secourir les peuples dans les années stériles. Ces qualités lui ont attiré en peu de temps le respect et l’amour de tous ses sujets.

La cinquantième année du cycle (1730) le treizième frère de l’empereur qui partageait avec lui tout le poids des affaires, mourut le dix-neuvième de juin purement de langueur, et s’étant consumé par l’excès du travail, auquel il se livrait jour et nuit. L’empereur a paru inconsolable de cette perte, et sa santé en a été même altérée.

Il a fait rendre à ce prince des honneurs extraordinaires dont il a bien voulu rendre compte au public dans de fréquentes déclarations, où il faisait connaître combien il souhaitait que tout le monde prît part à sa douleur, et assistât aux funérailles sans distinction de rang, laissant la liberté aux seigneurs et au simple peuple d’honorer le défunt, chacun à sa manière par des présents ou par des éloges, il ajoutait néanmoins qu’il ne voulait contraindre personne, et que ceux qui ne croiraient pas que ce prince méritât de pareils honneurs, pourraient se