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le jardin de la Chine, de même que nous appelons la Touraine, le jardin de la France.

Elle est d’ailleurs tellement arrosée de ruisseaux, de sources, et de rivières, que pour l’agrément il n’y a point de pays qui lui soit comparable. Il est étonnant ce qu’elle fournit de blé, de riz, de soie, et d’étoffes pour tribut.

Ce qu’elle a encore de singulier, c’est un lac qui attire quantité d’ouvriers à soie, parce que son eau a la vertu de donner à la soie un lustre inimitable.

Dans une de ses villes nommée Nan yang, on trouve une espèce de serpent, dont la peau est marquée de petites taches blanches : les médecins chinois la font tremper dans une fiole pleine de vin, et s’en servent ensuite comme d’un bon remède pour la paralysie.


Première ville et capitale de la province.
CAI FONG FOU


C’est une grande ville, riche, et peuplée, située dans un beau pays, au milieu d’une plaine bien cultivée, et fort étendue, à deux lieues et demie du fleuve Hoang ho ; ce qu’elle a d’incommode, c’est qu’elle est placée dans un lieu fort bas, en sorte que les eaux du fleuve sont plus hautes que la ville.

Pour parer aux inondations, on a construit de grandes digues de la longueur de plus de trente lieues. Cette situation a été autrefois la cause de sa ruine ; ce fut l’an 1642 que cette ville fut assiégée par les rebelles. Après une vigoureuse résistance des assiégés, qui se défendirent durant six mois contre plus de cent mille hommes, l’unique ressource que le commandant des troupes, qui venait à son secours, crut qu’il lui restait, fut de rompre les digues de la grande rivière de Hoang ho, afin d’inonder la campagne. Cette inondation fut si prompte et si violente, que la ville fut submergée, et trois cent mille habitants se trouvèrent enveloppés dans ses eaux.

Le père Roderic de Figueredo, Portugais, qui avait jeté les premiers fondements de l’église de Cai fong, et qui depuis vingt ans la gouvernait avec un grand zèle, ne voulut jamais quitter son troupeau au milieu de ce danger ; il refusa constamment les offres des mandarins, qui le pressaient d’entrer dans leurs barques, et de se retirer avec eux hors de la ville, et il sacrifia sa vie au salut et à la consolation des chrétiens, qu’il confessa, et qu’il exhorta à finir saintement leur vie.

Il paraît que Cai fong avait alors trois lieues de circuit. On l’a rétablie depuis ce malheur, mais non pas assez bien, pour qu’elle puisse tenir son rang parmi les belles villes de la Chine. Son ressort est fort étendu, et contient quatre villes du second ordre, et trente du troisième.