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celle des mandarins du lieu, qui sont forcés de les laisser dans leurs emplois pour éviter de plus grands inconvénients.

Cependant de douze bourgades qui s’étaient soumises aux Chinois dans la partie du sud, il n’en reste plus que neuf : trois se sont révoltées, ont chassé leurs interprètes, ne paient plus de tribut à la Chine, et se sont unies avec ceux de la partie orientale de l’île. Sous l’empereur régnant un grand nombre de bourgades se sont soumises, et on espère que peu à peu les autres suivront leur exemple.

Quoique ces peuples passent dans l’esprit des Chinois pour barbares, ils paraissent pourtant être moins éloignés de la vraie sagesse, que plusieurs des philosophes de la Chine. On ne voit parmi eux, de l’aveu même des Chinois, ni fourberie, ni vols, ni querelles, ni procès que contre leurs interprètes ; ils sont équitables, et s’entr’aiment les uns les autres ; ce qu’on donne à l’un d’eux, il n’oserait y toucher, que ceux qui ont partagé avec lui le travail et la peine, ne partagent aussi le salaire.

Il y a apparence qu’il y a eu des chrétiens parmi ces insulaires, lorsque les Hollandais étaient maîtres du port. On en a trouvé plusieurs qui savaient la langue des Hollandais, qui lisaient leurs livres, et qui en écrivant se servaient de leurs caractères. On a vu même entre leurs mains quelques fragments des saints livres en Hollandais. Ces peuples n’adorent aucune idole, ils ont même en horreur tout ce qui y a quelque rapport : ils ne font aucun acte de religion, et ne récitent aucune prière. Cependant on en a vu qui connaissaient un Dieu créateur du Ciel et de la terre, un Dieu en trois personnes, Père, Fils, et Saint-Esprit, et qui disaient que le premier de tous les hommes s’appelait Adam, et la première des femmes, Ève, que pour avoir désobéi à Dieu, ils avaient attiré sa colère sur eux et sur tous leurs descendants, qu’il est nécessaire d’avoir recours au baptême pour effacer cette tache. Ils savent même la formule du baptême. Néanmoins on n’a pu savoir certainement s’ils baptisaient ou non.

Quoique l’île de Formose soit peu éloignée de la Chine, néanmoins les Chinois, suivant leur histoire, ne commencèrent d’en avoir connaissance que du temps de l’empereur Suen ti de la dynastie des Ming, environ l’an de grâce 1430 que l’eunuque Ouan san pao revenant d’Occident y fut jeté par la tempête.

Cet eunuque se trouvant dans une terre étrangère, dont le peuple lui semblait aussi barbare que le pays lui paraissait beau, y fit quelque séjour pour en prendre des connaissances, dont il pût informer son maître. Mais tout le fruit de ses soins se réduisit à quelques plantes, à quelques herbes médicinales qu’il en rapporta, dont on se sert encore aujourd’hui à la Chine avec succès.

La quarante-deuxième année de l’empereur Kia tsing, l’an de grâce 1564, le chef d’escadre Yu ta yeou, croisant sur la mer orientale de la Chine, y rencontra un corsaire nommé Lin tao kien qui s’était emparé des îles de Pong hou où il avait laissé une partie de son monde ; c’était un homme fier et ambitieux, passionné pour la gloire, et qui cherchait à se faire un nom.