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causes sont toujours renvoyées par les vicerois et par les gouverneurs des provinces, et ces tribunaux délibèrent sur les informations, et présentent leur délibération à l’empereur, qui la confirme ou la rejette.

Ces Cours souveraines n’ont proprement au-dessus d’elles que l’empereur, ou le grand conseil, quand ce prince juge à propos de l’assembler sur quelque affaire importante, qui a déjà été jugée par une de ces Cours. Elles offrent leurs placets les jours marqués, et traitent souvent immédiatement avec le prince, qui les approuve ou les rejette, en les souscrivant de sa propre main. Que s’il les retient, on attend quelque temps ses ordres, et c’est ensuite au grand mandarin, qui s’appelle en Chinois calao, et en tartare aliagata, de s’informer de ses intentions.

Les placets offerts par les présidents de ces Cours souveraines, nommées en chinois chang chu et en Tartare aliagamba, doivent avoir à la tête, et pour titre le sujet de l’affaire dont il s’agit, et finir par le sentiment de la cour que cette sorte d’affaire regarde.

L’empereur dispose de même de toutes les charges de l’empire, sans être obligé de les donner à ceux que ces tribunaux ont proposés, quoique néanmoins il les confirme pour l’ordinaire, après avoir examiné par lui-même ceux qui ont tiré leurs charges au sort, de la manière que nous l’expliquons ailleurs. Pour ce qui est des premiers emplois, tels que celui de tsong tou, de viceroi, etc. c’est toujours Sa Majesté même qui les nomme.

On aura peine à croire, que l’empereur régnant daigne examiner par lui-même cette foule de mandarins, dont chaque jour les uns montent à des degrés plus élevés, et les autres commencent à se mettre sur les rangs : cependant rien n’est plus certain, et c’est ce qui marque son application au gouvernement de l’État. Il veut tout voir de ses yeux, et il ne s’en fie qu’à lui-même, lorsqu’il s’agit de donner des magistrats à son peuple.

Son autorité est absolue, et presque sans bornes. Un prince de la maison impériale n’en peut prendre la qualité, ni en recevoir les honneurs, si l’empereur ne les lui fait décerner. Que si par sa conduite il ne répond pas à l’attente publique, il perd son rang et ses revenus par l’ordre de l’empereur, et n’est plus distingué que par la ceinture jaune, que portent les hommes et les femmes du sang impérial, et qui jouissent d’un revenu assez modique sur le trésor royal.

Il n’y a guère contre l’abus de l’autorité, que la voie des remontrances, qui soit permise par les lois. Elles ont établi des censeurs publics, dont le devoir est de donner des avis à l’empereur, par des requêtes qui se répandent dans l’empire, et que le prince ne peut rejeter sans faire tort à sa réputation. La nation ayant d’ailleurs attaché une idée de magnanimité héroïque à cet emploi, l’empereur les honorerait trop, s’il venait à les maltraiter ; et il s’attirerait à lui-même des noms odieux, que l’histoire aurait grand soin de transmettre à la postérité.

Au reste ces censeurs ne prennent presque jamais le change : si la cour, ou les grands tribunaux, cherchent à éluder la justice de leurs plaintes par quelque défaite, ils reviennent à la charge, et font voir qu’on n’a point répondu conformément aux lois. On en a vu persévérer deux années