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fenêtre de chaque côté, sans parler des autres appartements pour les domestiques et pour loger le patron de la barque et la famille.

Le 5 nous fîmes au moins dix lieues jusqu’à Fong tching hien, où l’on nous apporta des vivres et des rafraîchissements. Sur la route d’eau il y a de lieue en lieue des tang ou corps de garde, où il y a d’ordinaire huit ou dix soldats.

Le 6 nous passâmes par Fong tching hien, et nous allâmes prendre des rafraîchissements à six lieues de là, savoir à Tchang chou, lieu de commerce, célèbre par le débit qui s’y fait de toutes sortes de drogues et de racines médicinales.

Ce jour-là et les deux jours suivants nous naviguâmes de la même manière, mais nous fîmes peu de chemin à cause des bas fonds que nous trouvions presque à tous moments ; nous passâmes par quelques villes, et nous arrivâmes a Ki ngan fou éloigné de quarante lieues de Nan tchang fou. Je ne vis rien pendant ces trois jours qui méritât d’être remarqué. Nous passions continuellement entre des montagnes inhabitables et incultes, qui formaient deux chaînes parallèles sur les deux bords de la rivière.

Ce fut le 9 que nous mîmes pied à terre à Ki ngan fou. Il y avait une chrétienté qui était gouvernée alors par les révérends pères de Saint François, et dont le père Grégoire Ybanes Espagnol avait soin. Je dis la messe dans son église qui était fort propre.

Le 10 nous passâmes par Tai ho hien et nous ne fîmes que dix lieues.

Le 11 nous fîmes encore dix lieues jusqu’à Ouan ngan hien. Le tchi hien, ou gouverneur de cette ville, qui n’est chrétien que de nom, quoique sa femme soit fort vertueuse, ne nous donna aucune démonstration d’honnêteté.

Le 12 nous fîmes onze lieues jusqu’à un village nommé Leang keou.

Le 13 au matin nous fîmes trois lieues jusqu’à Yeou tching y, et le soir environ sept lieues : c’est-à-dire, que nous allâmes passer la nuit à trois lieues de Kan tcheou fou.

Le 14 nous arrivâmes de bon matin à Kan tcheou fou. C’est une grande ville et fort peuplée. Le tsong ping, ou commandant général de la milice de tout le district de cette ville, nommé Tchang lao yé, avec d’autres mandarins, vint nous recevoir au sortir de nos barques, et nous inviter à dîner.

Après ces civilités, auxquelles nous répondîmes de notre mieux, j’allai à notre église, où je trouvai le père Greslon, qui travaille depuis près de quarante ans avec beaucoup de zèle et de fruit à la conversion des Chinois, surtout dans cette ville où il a succédé au père le Faure qui a vieilli dans les travaux apostoliques, et est mort en odeur de sainteté.

Comme le tsong ping était ami particulier de Tong lao yé notre conducteur, et qu’il avait beaucoup de considération et d’amitié pour le père Greslon, nous ne pûmes nous refuser à l’invitation qu’il nous avait fait. Nous assistâmes donc au repas qu’il nous donna, où nous eûmes toute la liberté que nous lui demandâmes : seulement au lieu de comédie, dont les