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Mais autant que ces petits poissons sont agréables à la vue, autant celui que les Chinois appellent hai feng, a-t-il quelque chose de difforme et de hideux. C’est cependant un de leurs mets assez ordinaire, et il ne se donne presque point de repas qu’on n’en serve. On le voit flottant sur les bords de la mer de Chan tong et de Fo kien. Les missionnaires le prirent d’abord pour un rouleau de quelque matière inanimée, mais en ayant fait prendre par les matelots chinois du vaisseau, ils furent persuadés qu’il était vivant. Il nagea dans le bassin où on l’avait jeté, et il vécut même assez longtemps. Les Chinois ne cessaient de leur dire que cet animal a quatre yeux, six pieds, et que sa figure est semblable à celle du foie de l’homme. Mais quelque soin qu’on prît à le bien observer, on ne distingua que deux endroits, par où il paraissait voir, car il témoignait de la frayeur, lorsqu’on lui passait la main devant ces endroits. Si l’on veut compter pour pieds tout ce qui lui sert à se mouvoir, on doit en mettre autant qu’il a par tout le corps de petites élevures, qui sont comme autant de boutons. Il n’a ni épines ni os : il meurt dès qu’on le presse. On le conserve aisément, sans qu’il soit besoin d’autre chose que d’un peu de sel. C’est en cet état qu’il est transporté par tout l’empire, comme un mets estimable : peut-être l’est-il en effet au goût chinois, quoiqu’il ne paraisse pas tel au nôtre. Mais si en matière de goût, on ne convient pas toujours avec soi-même ; beaucoup moins doit-on s’étonner, qu’on ne puisse convenir avec des peuples accoutumés à d’autres aliments que les nôtres.

Je pourrais parler ici de certains cancres, qu’on trouve entre les bords de la mer de Cao tcheou dans la province de Quang tong, et de l’île de Hai nan, qui se changent en pierres, et qui conservent leur figure naturelle : mais c’est une chose connue en Europe, où ces sortes de pétrifications ne sont pas rares. Les médecins chinois attribuent à celles-ci une vertu que nous ne reconnaissons pas dans les nôtres : ils l’emploient volontiers comme un remède propre à chasser les fièvres chaudes et aiguës. C’est ce qu’il faudrait vérifier par des expériences qui servissent à déterminer au moins en gros, quel degré de force a ce remède.

On raconte encore à la Chine, des merveilles de l’eau de certains lacs, et de quelques rivières : mais ce qui se débite à ce sujet, a semblé aussi faux, qu’il a toujours paru peu vraisemblable. Dans tous les pays, la nature étant la même, les effets extraordinaires doivent être rares, et ils ne le seraient pas, si tout ce qu’on dit à la Chine en cette matière était véritable.

Il est cependant vrai que la Chine est pleine de belles rivières et de lacs considérables. Tels sont les lacs appelés Hong se hou dans le Kiang pe ; Ta hou partie dans la province de Kiang nan, partie dans la province de Tche kiang ; le Po yang hou dans la province de Kiang si ; et le plus grand de tous nommé Tong ting hou dans la province de Hou quang : il est remarquable par la grandeur de son circuit, qui a plus de 80 de nos lieues, et par l’abondance de ses eaux, surtout en certaines