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tumé à l’architecture européenne : toutefois cette hauteur est d’autant plus du goût des Chinois, qu’elle donne plus de place aux ornements qui bordent les inscriptions qu’on y veut graver.


Magnificence des Chinois dans les Ponts de pierre.

Les ponts de pierre sont la plupart bâtis comme les nôtres, sur de grands massifs de pierre, capables de rompre la force de l’eau, et dont la largeur et la hauteur de la voûte laissent un passage libre aux plus grosses barques. Ils sont en très grand nombre à la Chine : et l’empereur n’épargne jamais la dépense quand il en faut faire construire pour l’utilité du public.

Il n’y en a guère de plus beau, que celui qu’on voit à Fou tcheou fou, capitale de la province de Fo kien ; la rivière qui passe auprès de cette ville, est large d’une demi-lieue : elle est quelquefois divisée en petits bras, et quelquefois coupée par de petites îles. De tout cela on a fait comme un tout, en joignant les îles par des ponts, qui tous ensemble font huit stades ou lis, et 76 toises chinoises. Un seul, qui est le principal, a plus de cent arcades bâties de pierre blanche, et garnies sur les deux côtés de balustres en sculpture, sur lesquels s’élèvent de dix en dix pieds de petits pilastres carrés, dont les bases sont fort massives, et ont la forme d’une barque enfoncée. Chaque pilier porte un ou deux traversiers de pierre, sur lesquels sont appuyées des marches de pierre, plus ou moins, suivant la largeur du pont.

Mais le plus beau de tous est celui de Suen tcheou fou. Il est bâti sur la pointe d’un bras de mer, qu’il faudrait sans ce secours passer en barque, souvent avec danger : il a deux mille cinq cent vingt pieds chinois de longueur, et vingt pieds de largeur : il est soutenu de 252 gros piliers, 126 de chaque côté : toutes les pierres, tant celles qui traversent d’un pilier à l’autre en largeur, que celles qui portent sur ces traversiers, et qui les joignent ensemble, sont d’une égale longueur, et de la même couleur, qui est grisâtre : l’épaisseur est aussi la même.

On ne comprend pas aisément où l’on a pu trouver, et comment on a taillé tant de rochers également épais et également larges ; ni comment on a pu les placer, malgré leurs poids énormes, sur des piliers assez hauts, pour laisser passer de gros bâtiments qui viennent de la mer. Les ornements n’y manquent pas : ils sont faits de la même espèce de pierre que le reste du pont. Tout ce qu’on voit ailleurs, est beaucoup moins considérable, quelque estime qu’on en fasse dans le pays. Ce que je viens de dire, fait assez voir quelle est la magnificence des Chinois dans les ouvrages publics, et dans tout ce qui concerne l’utilité du peuple. Ils sont alors aussi prodigues, qu’ils sont économes dans ce qui regarde leurs personnes, et les édifices des particuliers. Cette magnificence paraît encore dans la construction des quais qui bordent les rivières et les canaux. On est surpris de voir leur longueur, leur largeur, et les grands quartiers de pierre dont ils sont revêtus.


Dans les Quais et les Canaux.

Mais ces ouvrages, quelque beaux qu’ils paraissent, ne sont pas à comparer aux ouvrages de terre, qu’on a construits pour tirer avantage de l’heureuse situation des rivières et des lacs de l’empire. Rien de plus commode pour le public, que de pouvoir aller par eau depuis la ville de