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SALON.

Louis XIV ; mais d’Albert Durer au Bernin il y a, comme nous l’avons dit, une grande et belle marge.

C’est en effet à Albert Durer, sinon à son habile compatriote Peter Vischer, qu’on doit attribuer la petite figure en buis, parfaite à tous égards, comme dessin, costume, charme, sentiment et exécution, représentant l’opposition des deux natures, une jeune beauté ayant à ses pieds un être difforme. Dire que nous avons entendu plusieurs personnes demander si ce ne serait pas la Esmeralda recevant les humbles soins de Quasimodo, c’est rendre hommage à la belle création de M. Victor Hugo, qui, devinant ce type de candeur et de grâce, nous l’a fait si bien percevoir par un sens moins impressionnable que la vue.

Un autre sentiment non moins précieux, celui de la souplesse des formes et de la morbidesse des chairs, domine dans plusieurs figures d’enfants en ivoire, dues à l’habile ciseau de Duquesnoy, plus connu en France sous le nom de François Flamand[1]. Comme ces petits enfants dorment bien ! quelle vérité dans

  1. Duquesnoy, de Bruxelles, né en 1594, la même année que le Poussin, avec qui il se lia à Rome d’une grande intimité. Admirateur passionné du Titien, c’est par l’étude des ouvrages de ce maître qu’il parvint à faire participer le marbre et l’ivoire à leur charme, à leur abandon, je dirais même à leur mollesse. S’il excella dans la reproduction des enfants, plusieurs ouvrages capitaux, notamment le Saint-André qu’on admire toujours dans Saint-Pierre de Rome, prouvent que là ne s’arrêtait pas la portée de son talent. Il en jouit peu, étant mort à Livourne, en 1644, dans une grande pénurie, au moment de partir, avec son ami le Poussin, pour la France qui le réclamait. On dit qu’il fut empoisonné par son frère.