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SUR LE PALAIS DES THERMES.

torrent. Que pouvait contre une fureur aveugle, qu’irritait encore l’appât de la spoliation, l’expression toujours

    la haine des tyrans, je saisis d’une main cette fiole ridiculement vénérée et je la brisai sur la statue de Louis le crapuleux, quinzième du nom ; » et il ajoute dans ces termes mêmes que notre mémoire nous retrace : « Je vous en envoie les débris par la diligence, enveloppés dans une chemise qui vous prouvera combien les fournisseurs volent la république. » (Voir, pour l’analyse, le Moniteur du 22 du premier mois [sans nom] de la deuxième année républicaine, séance du 20.) On ne s’attendait guère à voir la diligence et les fournisseurs dans cette affaire.

    Les exemples de ces turpitudes décrites en style pareil fourmillent dans nos annales de ces époques. Elles suivirent de près la violente substitution du souverain de fait à celui de droit, car, dans le mois même où cette transformation s’opéra (août 1792), on entendit le baron prussien Anacharsis Clootz, l’orateur du genre humain, exprimer en ces termes, en pleine assemblée législative, sa reconnaissance du titre de citoyen français qu’un décret venait de lui déférer : « Gallophile de tous les temps, mon cœur est français, mon ame est sans culotte. » Il n’en fut pas moins exclu des Jacobins comme noble, puis admis à l’échafaud comme complice d’Hébert. Et ces leçons ne servent pas…

    Ici la parade précéda la tragédie : plus tard les deux genres se confondirent.

    Vers ce moment aussi le vandalisme levant sa tête hideuse, pour parler le langage du temps, menaça de dévaster la France. Un décret du 12 août 1792, rendu sur la proposition de Thuriot et de Lacroix, « ordonna la conversion en canons des statues des rois et des bronzes des monuments nationaux. » Et dix jours plus tard, le 22, on parlait froidement, au sein de la Convention même, de la destruction en pure perte de nos plus beaux monuments : la porte Saint-Denis, Versailles, etc. Honneur au représentant Dussaulx, qui se donna la belle et courageuse mission de défendre les chefs-d’œuvre menacés. (c’est son expression.) Le but justifiant les moyens, nous applaudissons aussi à l’éloquence toute de circonstance et d’inspiration, qui seule assura sans doute le succès de ses efforts, et les conséquences bien importantes de ce premier succès. « Qu’on le laboure ! » s’écria un membre, à propos du parc de Versailles. — « Qu’on le laboure, soit, » reprit Dussaulx, « mais que fera-t-on alors des statues des philosophes, des Platon, des Sénèque, etc., qui s’y trouvent ? — Conservons des antiques, même aristocrates ; gardons-les comme un simulacre d’horreur. » (V. Moniteur du 24 avril 1792.) Ces argumenta-