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NOTES.

toire, où rien n’a l’air d’avoir bougé depuis quatre cents ans. Ameublements, tentures, vitraux, vaisselle, armures, ustensiles et joyaux, tout a été miraculeusement retrouvé et conservé ; vous marchez au milieu d’une civilisation disparue ; vous êtes comme enveloppés des bons vieux temps chevaleresques, et la cordiale hospitalité du maître complète l’illusion.

« Que de soins, que d’années, que d’argent, me disais-je, il a fallu pour découvrir, rassembler et réparer tout cela ! Qu’il est heureux que dans ce siècle où l’on pense beaucoup au jour présent, presque point au lendemain et jamais à la veille, un homme se soit trouvé qui ait science, conscience et patience pour renouer les anneaux épars des mœurs anciennes, et nous en représenter la chaîne d’or et de fer ! car, magnificence et force, ces deux mots sont l’épigraphe du moyen âge, écrite sur ses monuments, sur ses meubles et ses costumes, comme à chaque page de ses annales. — Voilà le jeu d’échecs de saint Louis, tout en cristal incrusté de pierreries ; voilà le lit de François Ier, dont les quatre colonnes sont quatre chevaliers sculptés en chêne ; voilà les lourds gantelets qui ont peut-être serré le poignet de la duchesse de Guise ; voilà un des grands miroirs de Venise, que les Médicis apportèrent à la cour de France ; voilà le couteau qui servit à découper le cerf au gala du sacre de Charles VI ; voici la virginelle d’ébène et d’ivoire dont jouaient les filles d’honneur dans les châteaux des Valois ; voici la première fourchette qui ait paru, ce fut dans un festin donné par Henri III ; voici la longue épée et l’armure damasquinée de La Hire ; voici les petits saints de plomb que Louis XI priait si dévotement, et le grand verre hospitalier qui circulait à la table de Charles V, et qui pouvait désaltérer trente convives ; voilà encore le prie-Dieu et le magnifique bahut de la reine Blanche ! L’ima-