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NOTES.

Les provinces[1] ne tardèrent pas à participer aux jouissances dramatiques de la capitale, jouissances bien vives, si nous en croyons Alain Chartier qui, parlant des mystères qui furent joués lors de l’entrée de Charles VII à Paris, en 1437, « tout au long de la grande rue Saint-Denis, sur échafauds bien et richement tendus, auprès d’un ject de pierre l’un de l’autre, dit : et là venoient gens de toutes parts criant Noël, et les autres pleuroient de joie[2]. » Le journal d’un bourgeois de Paris porte à ce sujet : « Comme on fist pour le petit roi Henry (d’Angleterre), quant il fut sacré à Paris ; » ce qui ne s’applique sans doute pas aux larmes de joie.

  1. L’Histoire du théâtre français, tome 2, contient extrait du Mystère de l’Incarnation joué, à Rouen, en 1474. Metz, Angers, Poitiers, Limoges et plusieurs autres villes eurent aussi, dès ce temps, leurs représentations dirigées par des curés des localités. Cependant plusieurs des mystères joués alors n’étaient rien moins que religieux. Celui de la destruction de Troie, par exemple, qui contenait plus de quarante mille vers, ne pouvait guère se rattacher ni à l’ancien ni au nouveau Testament. (Voy. chronique de Metz, an 1437.)

    D’après l’état des personnages indiqués en tête des anciens mystères, dont les manuscrits ont été conservés, leur mise en scène exigeait presque toujours le concours de 130 à 140 acteurs seulement, car les actrices, nécessairement exclues, étaient suppléées par de jeunes clercs. De la nécessité de cet immense personnel résultaient souvent, au moment même de la représentation, des vides que quelques spectateurs s’offraient de combler, tant l’instruction populaire en cette matière était alors étendue et journellement alimentée par les représentations gratuites des clercs de la basoche, des enfants sans souci, des clercs du haut et souverain empire de Galilée (de la chambre des comptes), et de tous les collèges.

  2. « Sur ces échafauds, ajoute-t-il, étoient faits, par personnages, l’annonciation de Notre-Dame, la nativité de Notre Seigneur, sa passion, sa résurrection, la pentecôte et le jugement qui seoit très-bien, car il se jouoit devant le chastelet où est la justice du roi. Et emmy la ville y avoit plusieurs jeux de divers mystères qui seroient trop longs à racompter. » D’où l’on doit conclure que la troupe dramatique de ce temps eut, au besoin, formé une armée.