Page:Du Sommerard - Notices sur l’hôtel de Cluny et le palais des Thermes.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
154
NOTES.

solidation du christianisme en France, l’influence religieuse n’y ait été immense et souvent abusive ; que dès l’organisation, d’abord si vague, de notre monarchie, l’absolutisme des rois, les intrigues de cour, les tyrannies des hauts barons, et celle plus intolérable encore de tout temps, des menus nobliaux, n’aient souvent passé toutes les bornes.

Et malgré notre faible pour tout ce qui tient à la chevalerie, nous conviendrons que, conçue dans un esprit de protectorat, de courtoisie et de largesse, cette création dégénéra, d’époque en époque, dès le 11e siècle, par sa transformation en instrument de conquêtes et de parades, et en institution rattachée aux intérêts du trône et des seigneurs, qui s’en arrogèrent le monopole, jusqu’à sa réduction au rang tout idéal, comme de nos jours, de simple distinction.

Nous reconnaîtrons même que, dans son plus grand éclat, cette ordination, presque sacerdotale[1], n’aboutit quelquefois qu’à donner au postulant l’investiture de l’ostentation et de la témérité, et même le privilège du crime par l’espoir de l’impunité, et que ce noble et sacré caractère décida bien des actes de débauche[2], de

  1. La plupart des cérémonies employées pour la réception des chevaliers étaient empruntées aux rites ecclésiastiques, ainsi que le reconnaissent Sainte-Palaye, dans ses Mémoires sur la chevalerie, et M. Nodier, dans de savantes notes, où nous puiserons beaucoup de détails.
  2. « La déhanche, dit Sainte-Palaye, avoit des rues et des quartiers dans chaque ville, et saint Louis gémissait de l’avoir trouvée établie jusque près de sa tente, dans la plus sainte des croisades. » Voir Joinville et Fleury, Mœurs des Chrétiens. Le moine Du Vigeois compte dans une de nos armées, en 1180, quinze cents concubines, couvertes des plus riches parures. Voir dans l’histoire de Saint-Denis, chap. 6, pag. 170 et 171, ce qui se passa dans cette ville, en présence du roi, dans les fêtes données pour la chevalerie du roi de Sicile et de son frère.