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FANTÔMES BRETONS


— Faisons nos comptes, mon oncle, ça me va.

— Alors, dis-moi : « Merci, tonton ; quand même vous seriez le diable en personne, je vous appartiens, corps et âme. » Moi, en retour, je me charge de ton chemin ; de te placer sur un trône en ce monde, et de t’asseoir commodément dans l’autre, vu que je t’y ai préparé un fauteuil, avant ta naissance.

— Ah ! mon oncle, dit aussitôt Griffard ; vous êtes aimable tout de même, et quand vous seriez le grand diable en personne naturelle, je suis votre serviteur à la vie, à la mort. C’est juré, juré sur vos cornes, pourvu que j’aie toujours une bourse aussi ronde que votre sac ; mais sans vous commander, qu’est-ce qu’il y a dedans, mon oncle ?

— Peuh ! fit le vieux tentateur ; presque rien, mon neveu : le métier ne va pas fort, depuis le dernier jubilé. N’importe, tope-là, bien vite et tu seras content.

Les deux complices topèrent là-dessus ; et quand Griffard releva les yeux, il vit à la place de son oncle un sac qui fumait, sensé, autant que braise éteinte, et sonnait comme de l’or monnayé. C’était de l’or en effet, et ça fumait là-dedans, comme si le diable l’avait fondu à l’instant. Le cabaretier ne tarda pas à rentrer, et Griffard lui jeta un louis si jaune que l’autre en vit des chandelles.

Kénavo, au revoir, lui dit Griff, en sortant.

— Où allez-vous donc, l’homme riche ? dit le cabaretier, qui se nommait Iann Kidour (Jean-Chien-d’eau).