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FANTÔMES BRETONS


— Mais, Marsy, ajoute Pilote en le reconnaissant, c’est le Saint-Jean qui fait côte. Venez au secours de votre patron.

— Ma foi, non ! dit le lâche ; je n’irai pas. Vous êtes pilote, vous, c’est votre affaire.

— À moi, Goëland ! s’écrie Misaine. Viens, mon pauvre animal ; tu vaux mieux que ce misérable pour tenir l’écoute. Allons !…

La mer était affreuse ; la chaloupe, très-penchée (quoique la voile n’eût été déployée qu’à demi et hissée à moitié du mât), menaçait de sombrer à chaque embardée ; mais Pilote l’orientait d’une main sûre. Le Saint-Jean, tout démâté, venait de toucher sur un banc, en avant de l’île de Batz, à un mille du rivage.

Pilote alors redouble de courage, confie l’écoute à la gueule fidèle du chien et gouverne sur l’endroit où le navire s’est affalé. Bientôt s’offre à sa vue un spectacle terrible : les vagues, grossies par l’obstacle que leur oppose le bâtiment échoué, le soulèvent à chaque instant, roulent sur le tillac avec un bruit affreux, et le laissent, en se retirant, retomber sur un lit de rochers où sa destruction s’achève.

— Jane ! Jane ! me voici ! crie Pilote, d’une voix qui domine le bruit de l’ouragan.

À cet appel, une jeune fille apparut à l’arrière ; le vent sifflait autour d’elle avec fureur et menaçait de l’enlever comme un brin d’herbe. Elle se pencha sur la poupe, reconnut sans doute Pilote, et, posant les mains sur son cœur, elle se mit à genoux sous une voûte d’écume que les vagues formaient au dessus de