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FANTÔMES BRETONS


le patron pendant son absence. Il m’a casé dans sa petite maison, hier au soir. C’est une bonne affaire pour moi… Et puis, suffit. Au revoir.

Et, en disant cela, Marsy fit un geste qui signifiait : — Et je pourrais en dire davantage. — Pilote sentit son cœur se serrer à ces paroles. Afin d’apaiser l’inquiétude qui le tourmentait, il essayait de se rappeler l’expression sincère du visage de Jane et sa franchise à leur dernière entrevue. Des pressentiments sinistres troublèrent son âme, pendant le premier mois qui suivit. Le voyage du capitaine ne devait durer que cinq à six semaines. L’époque du retour arrivait, et Pilote, qui au commencement avait tant accusé la longueur des jours, éprouvait une anxiété croissante en la voyant approcher.

Cependant le temps s’écoulait. Les six semaines expirèrent, et nul, pas même Marsy, n’avait reçu des nouvelles du Saint-Jean. Pilote ne dormait plus dans sa maison. Il passait les jours et les nuits avec Goëland, à surveiller la haute mer, à étudier la marche de tous les vaisseaux qui cinglaient au large, à examiner surtout les signes avant-coureurs des tempêtes, qui, vers la fin de novembre, s’annoncent de plus en plus sur la mer.

Ce fut alors que, vigie infatigable autant qu’ami fidèle, il adopta la caverne et les roches dont nous avons parlé, pour lui servir d’abri et d’observatoire, à l’approche des ouragans. Goëland ne le quittait jamais. Lui, ordinairement si gai, si agile à poursuivre les oiseaux sur la grève, se couchait tristement aux pieds