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PILOTE ET GOËLAND


Pilote semblait donc destiné à vivre ainsi tranquille et retiré, lorsqu’il remarqua, dans ses courses sur les grèves, une jeune fille de Roscoff, qui ne manquait jamais de caresser Goëland, chaque fois qu’elle le rencontrait. Jane était la fille d’un capitaine de navire aisé et ambitieux, qui la destinait à mieux que Pilote. Elle était jolie, mais simple et bonne et, tout en caressant Goëland, elle avait laissé Pilote lire dans son cœur.

Un soir, assis sur la grève, Pilote songeait tristement aux obstacles presque insurmontables qui le séparaient de la fille du capitaine Alain. Sa pauvreté surtout se dressait comme un fantôme devant lui ; non pas que sa pauvreté lui fût à charge, car il avait de bons bras et son courage pouvait lui suffire à écarter le besoin du toit de sa famille, si Dieu lui en donnait une un jour ; mais, nous l’avons dit, le père de Jane était ambitieux et faisait, chaque année, sur une goëlette de soixante tonneaux des voyages qui arrondissaient sa fortune et devaient augmenter ses prétentions. Pilote vit alors, dans la brume du soir, une femme qui remontait le rivage et que Goëland précédait joyeusement. C’était Jane revenant de la chaussée du petit port où le navire de son père était à l’ancre.

— C’est vous, Misaine ? lui dit Jane en larmes. Je m’en étais doutée en apercevant le bon barbet. Je suis bien malheureuse, allez !

Pilote tremblait et n’avait pas la force de dire un mot.

Elle reprit : — Mon père, n’ayant pas trouvé de