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FANTÔMES BRETONS


— M. Rochelan a vu briller le fanal dans le clocher de la chapelle : cela l’a mis en colère, et il m’a grondé, devant le malade. Alors, malgré sa faiblesse, le pauvre enfant s’est levé tout d’un coup et s’est jeté aux genoux de son père… Il a fini par attendrir le cœur de cet homme dur, mais nous aurons du mal, m’est avis, par la suite.

Et le vieillard et la jeune fille, unis dans une commune affection et par de communes inquiétudes, se séparèrent tristement.

Cependant, quoique souffrant et faible encore par une suite inévitable de la fatigue et du froid qu’il avait éprouvés dans la mer, Abel ne tarda point à reprendre peu à peu sa vie habituelle ; mais il conserva toujours, depuis cette épreuve, une tristesse invincible ; sa douceur, sa bonté, sa piété s’augmentèrent d’une patience et d’une résignation sans bornes. Il semblait, sans le dire, dominé par une idée fixe, mais qui ne portait aucune atteinte à la sérénité de son caractère. Son père n’avait rien changé à sa propre manière de vivre, si ce n’est qu’il semblait accorder un peu plus de condescendance à ce qu’il appelait les puériles fantaisies de son fils. Abel en profitait pour visiter les pauvres gens dans l’île, les malades, les malheureux quels qu’ils fussent. Le père de Marguerite, déjà sur l’âge, n’était assurément pas oublié. Le jeune homme se rendait souvent à la chaumière du pêcheur et avait toujours quelque commission lucrative à lui confier : souvent la petite grésillonne se chargeait joyeusement de les remplir, soit qu’il fallût courir au bourg de Groix, soit