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FANTÔMES BRETONS


— Eh ! ce n’est pas l’eau que… que j’ai bue, répondit Mathurin en hésitant et d’un air piteux.

— Comment ! misérable pécheur, tu as donc absorbé une demi-barrique de cidre !

— Hélas ! non, non, mon père, dit notre ivrogne, en soupirant à cette aimable pensée.

— Alors, bonsoir, fit l’ermite ; je m’en vais à mes affaires.

— Arrêtez, cria le paysan, c’est chez vous que j’allais, pour… pour vous dire que… que c’est une borne… une borne que…

— Que tu as avalée peut-être, malheureux ? Allons, tu veux te moquer de moi. Je n’ai que faire ici… ainsi donc, bonjour.

— Arrêtez, arrêtez, pour l’amour de Dieu ! cria Mathurin en joignant les mains. Ah ! je ne dis que la vérité. C’est bien une borne, une vraie borne ! Tenez, voyez plutôt.

Et le moine, ayant soulevé la blouse de Mathurin, vit en effet qu’il n’était ni plus ni moins que marié à une borne.

Marié à une borne ! je vous le demande, vit-on jamais pareille chose ici-bas ?

Le bon ermite réfléchit un instant, et dit à Mathurin : — C’est ton péché qui s’est enté sur toi. Tu as voulu voler de la terre, sans doute ? Ainsi, il faut d’abord que tu consentes à restituer.

— Mais, soupira l’autre, je n’ai rien pris.

— Ah ! fais-y attention, reprit le moine, avoue, ou bien garde ta borne, avoue que tu as usurpé.