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FANTÔMES BRETONS


le coupable, frappé dans son dernier forfait, s’était brisé le crâne contre la quille du bateau…

— Prions pour lui, dit le recteur ému, que Dieu lui fasse miséricorde… Maintenant, ajouta-t-il en domptant sa souffrance, songeons à sauver les vivants et que sainte Anne nous soit en aide.

Le retour à l’île de Houat présenta les mêmes dangers que le départ, et en eût offert bien davantage si le vent ne s’était un peu apaisé. Nous n’essaierons pas de peindre le tableau de la mer en fureur. Les trois marins de Hœdik furent contraints d’abandonner leur chaloupe, qui sombra sous leurs yeux quelques moments après que M. Tanguy les eut reçus dans la sienne.

Enfin le bateau sauveteur, porté par des lames encore terribles, entra dans le petit port de Houat. Toute la population de l’île était là pour recevoir et acclamer son protecteur, pour les jours duquel elle venait de trembler. Trembler ! oh ! non, ne parlons pas ainsi : nul ne tremblait en voyant M. Tang exposé sur la mer. Il l’avait si souvent affrontée et vaincue ; il avait opéré tant de sauvetages plus étonnants, résisté à tant de tempêtes, que les marins de Houat étaient persuadés que, nouveau Gildas, le saint prêtre pouvait marcher sur les flots.

Les naufragés et leurs sauveurs débarquèrent en même temps. M. Tanguy, d’ordinaire si alerte, les suivit avec une étrange lenteur. Puis, à peine eut-il mis le pied sur la grève, qu’on le vit pâlir et chanceler en portant la main à sa poitrine. Ce fut Julien Morel