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FANTÔMES BRETONS


tant de calme et de sûreté, que sous les yeux d’un tel amiral, le courage serait revenu au cœur des moins braves. On continua donc à tenir vaillamment le cap au large, dans la direction où l’on avait remarqué les derniers signaux.

— Courage, courage, mes enfants, criait le recteur ; n’ayez pas peur, sainte Anne est avec nous.

— Là, à tribord, un signal, je l’ai vu, s’écria un des matelots.

Souquez dur, garçons, dit Madec en donnant l’exemple ; cargue la misaine, borde le foc. Allons, ne mollissons pas.

Alors on entendit distinctement une voix qui hélait à peu de distance.

— Voilà la chaloupe, dit aussitôt M. Tanguy. Vire un peu à tribord… Bon. Maintenant, lancez-leur les bouées, les amarres… Défiez, défiez l’abordage…

Que se passait-il donc à bord de la chaloupe désemparée ? Pourquoi ces malheureux, au lieu de se prêter à la manœuvre et de saisir les amarres qu’on leur a tendues, paraissent-ils plus occupés de se quereller et même de se battre ? La terreur les a sans doute rendus comme fous… Non, non, ce n’est point là le motif de leur étrange conduite.

Nous avons dit que Corfmat vaincu avait été attaché dans le fond de la barque : mais quand le bateau sauveteur parut tout à coup à moins d’une encablure ; quand, surtout, les marins de Hœdik, sur le point de se jeter à la nage, eurent acquis la certitude qu’on venait à leur secours, ils poussèrent tous les trois des