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FANTÔMES BRETONS


Lorient juste à temps pour ne pas sombrer en pleine mer ; et comment Julien Morel revint ensuite à l’île de Houat, où sa pauvre femme, presque folle de douleur n’espérait plus son retour, car on avait cru que la Galathée s’était perdue avant d’entrer dans la rade.

Nous ferions aussi l’intéressante peinture du tribunal présidé par notre vénérable juge le jour de la condamnation de Corfmat, et nous aurions un chapitre saisissant à consacrer aux efforts désespérés du bandit pour s’évader du cachot, au milieu d’une nuit ténébreuse, au bruit strident des rafales qui couvrait celui des pierres arrachées et des planches rompues, etc., etc.

Ce croquis sommaire étant à peu près indiqué, reprenons, d’une manière aussi brève que possible, le fil de notre récit.

C’était, nous l’avons dit, par une nuit ténébreuse. Le vent soufflait de l’ouest avec une violence peu ordinaire. Un homme s’avançait à pas de loup sur la grève, du côté de la pointe de l’île, ne quittant l’abri d’un rocher pour se rendre à l’autre, qu’après avoir écouté attentivement et regardé de tous les côtés ; s’arrêtant à chaque minute et tressaillant au moindre bruit, soit que des courlis effrayés prissent leur volée avec des cris plaintifs, soit que des débris détachés de la falaise abrupte par les coups répétés du vent de mer, vinssent rouler sur le sable aux pieds du fuyard. C’est lui, c’est le condamné, qui a brisé ses liens et court à de nouveaux méfaits. Il sonde, il interroge l’Océan, cette rade neutre du monde, ouverte aux héros, aux coupables…, et semble le menacer de sa fureur.